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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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jamais mis les pieds. Le seul
Occidental à l’avoir fait, c’est Alexandre. Et il l’a appelée Bactriane.
    — Peut-être, mais les gens d’ici affirment tous
qu’il s’agit du Pachtounistan.
    — D’un autre côté, Al-Idrîsî, lui, mentionne le
nom de Mazar-e-Charif.
    — Gèsu ! Cela ne représente qu’un empan sur la carte. Faut-il en faire tant
d’histoires ?
    — L’ilkhan Kaidu ne maintiendrait pas sur place
une garnison au complet si cette terre était sans valeur. Et le khakhan Kubilaï
voudra vérifier avec quel soin nous avons cartographié son empire.
    — C’est vrai... (Soupir d’exaspération.) Bon,
d’accord. Il faudra y réfléchir sérieusement.

 
34
    Nous traînâmes un moment à Balkh. Non parce qu’il s’agissait
d’une ville particulièrement attrayante, mais parce que vers l’est, où nous
devions ensuite nous diriger, se dressaient de hautes montagnes. Et comme, à
présent, une neige épaisse recouvrait le sol alors que nous étions encore en
des régions de basse altitude, nous savions qu’il nous faudrait attendre la fin
du printemps pour espérer franchir ces reliefs. Il nous fallait donc passer
l’hiver sur place, et nous choisîmes d’entamer cet hivernage dans le
caravansérail où nous nous trouvions, le jugeant suffisamment confortable à
notre goût.
    Comme on pouvait s’y attendre dans un tel carrefour de
commerce, la chère était bonne, variée et en quantité appréciable. Il y avait
d’excellents pains, plusieurs sortes de poissons, et la viande, bien que ce fût
du mouton, était grillée en brochettes, ce qui la rendait fort goûteuse :
on appelait cela shashlik. On disposait aussi de savoureux melons
d’hiver et de grenades bien conservées, en plus des habituels fruits secs. Dans
ces contrées, il n’y avait en revanche pas de qahwah : il était
remplacé ici par un autre breuvage servi chaud, appelé cha, une infusion
de feuilles presque aussi vivifiantes et parfumées, quoique d’une saveur
différente et d’une teinte plus claire. Le légume de base était toujours le
haricot blanc, et le seul autre accompagnement possible était l’inamovible riz,
mais nous fournîmes aux cuisiniers une brique de safran, ce qui le rendit
acceptable et valut aux maîtres queux les vives félicitations du patron.
    Le safran constituant pour les gens d’ici (comme tel
avait déjà été le cas ailleurs) une nouveauté sans pareille, il nous permit
d’arrondir notre budget de sorte que nous ne manquions de rien. Mon père
échangea quelques morceaux de safran en brique ou en poudre contre des pièces
du royaume et daigna même, à titre exceptionnel, lorsque le marchand à qui il
avait affaire s’était montré suffisamment éloquent, lui vendre deux ou trois
oignons de crocus, lesquels pourraient ensuite être plantés pour débuter une
culture personnelle. En paiement pour chacun de ces précieux bulbes, mon père
avait exigé – et obtenu – un bon poids de gemmes de béryl ou de lapis-lazuli,
pierres dont cette terre est la principale pourvoyeuse au monde et dont la
valeur en monnaie locale était considérable. Nous nous trouvions donc tels de
vrais coqs en pâte, sans même avoir eu besoin de monnayer nos fameux sacs de
musc.
    Nous fîmes l’emplette de chauds vêtements d’hiver,
lainages et fourrures confectionnés dans le style local. Ici, le vêtement
principal était le chapon, sorte de long surcot ou de robe épaisse
portée en guise de manteau, mais qui pouvait aussi bien servir de couverture,
voire de tente. Lorsque l’on s’en servait de manteau, il tombait jusqu’au sol,
et ses amples manches pendaient sur une trentaine de centimètres en dessous des
mains. Cela vous conférait un petit air comique et n’était pas particulièrement
gracieux, mais plus qu’à la coupe du chapon, c’était à sa couleur que les gens
accordaient de l’importance, car elle était l’indice sûr de la prospérité de son
possesseur. Plus celle-ci était claire, plus le chapon était salissant :
et comme il fallait le nettoyer plus souvent, cela coûtait davantage. De ce
fait, on pouvait en déduire que celui qui portait un chapon blanc comme neige
était si riche qu’il pouvait se permettre d’être criminellement dépensier. Mon
père, mon oncle et moi-même optâmes modestement pour une teinte intermédiaire
qui nous situait entre l’opulence et la basse condition du chapon marron foncé
retenu pour notre esclave Narine. Nous

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