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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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cette question
encore plus hypothétique.
    Prenons-en un exemple. Quelque part, durant notre
longue traversée entre Mechhed et Balkh, nous avions franchi l’invisible ligne
qui, du temps d’Alexandre, séparait la Bactriane et l’Aryane. Elle marque à
présent – du moins le faisait-elle avant l’arrivée des Mongols – la limite
entre la Grande Perse et la Grande Inde. Mais imaginons un instant que le
khanat mongol n’existe pas et tâchons de donner une certaine idée de la
confusion qui a régné, au cours de l’Histoire, autour de cette frontière
incertaine.
    L’Inde a probablement été habitée un jour, sur
l’ensemble de sa vaste étendue, par cette race de petits hommes au teint sombre
que nous appelons les Indiens. Mais, il y a bien longtemps, les incursions de
peuples plus vigoureux et courageux ont repoussé ces Indiens des origines sur
une fraction de territoire de plus en plus réduite, de sorte que l’Inde
actuelle se situe désormais largement au sud-est de son aire initiale. Cette
Inde aryenne du Nord est maintenant peuplée par les descendants de ces anciens
envahisseurs qui, loin d’être des hindous, sont des musulmans. La moindre tribu
a pour habitude de s’ériger en nation, de se donner un nom et de s’attribuer
des frontières palpables. La plupart des contrées locales se terminent en
« stan », suffixe qui signifie « terre de ». Le Khaljistan
est donc la terre des Khalji, et ainsi pour le Pachtounistan, le Kohistan,
l’Afghanistan, le Nouristan, et j’en oublie encore.
    C’est dans cette région contiguë de l’Aryane et de la
Bactriane que, jadis, nul ne savait où au juste, Alexandre le Grand avait
rencontré la princesse Roxane, était tombé amoureux d’elle et l’avait épousée.
On ignorait l’endroit exact et l’on ne savait rien de la « famille
royale » dont était issue Roxane, mais, aujourd’hui encore, les diverses
tribus locales (Pachtoun, Khalji, Afghans, Kirghizes et consorts) affirment
descendre en droite ligne de la famille de Roxane, quand ce n’est pas des
soldats macédoniens d’Alexandre. Leurs prétentions recèlent peut-être une part
de vérité. Car bien que la plupart des habitants de la région de Balkh aient
les cheveux noirs, les yeux et la peau sombres, comme Roxane avant eux, il en
existe un certain nombre de complexion plus claire, aux yeux gris ou bleus et
aux cheveux roux, voire blonds.
    Cela n’empêche pas les membres de chaque tribu de se
proclamer haut et fort seuls et uniques descendants et de revendiquer,
sur la seule foi de ces vagues assertions, la souveraineté sur ces terres de
l’actuelle Inde aryenne. Cette façon de raisonner me semblait passablement
tortueuse, car, au fond, Alexandre n’avait lui-même été qu’un conquérant venu
sur le tard, un maraudeur non désiré, de sorte que tous les habitants d’alors –
excepté peut-être la princesse Roxane – avaient dû ressentir pour les
Macédoniens la même inimitié qu’ils vouaient à présent aux Mongols.
    Le seul trait commun que nous trouvâmes aux divers
peuples qui vivaient dans ces régions était leur religion, l’islam. En accord
avec les coutumes musulmanes, donc, nous ne conversâmes qu’avec la gent masculine, et l’oncle Matteo, que leurs vantardises sur leur prétendue lignée
laissaient particulièrement sceptique, nous cita ce couplet vénitien :
    La mare xe segura
    E’l pare de ventura
    Ce qui peut se traduire par : « Quand le
père s’aventure, seule la mère en est sûre. » Autrement dit, contrairement
au père, seule la mère sait de façon certaine qui a engendré ses enfants.
    Si j’ai tenu à donner un aperçu de cette histoire
complexe et enchevêtrée, c’est pour faire comprendre à quel point cela pouvait
accroître nos frustrations en tant qu’apprentis cartographes. Quelle que fût
son origine, le débat qui prenait corps, dès que mon père et mon oncle
s’asseyaient quelque part pour mentionner sur la carte une nouvelle indication
à l’encre, évoluait à peu près de la sorte :
    — Pour commencer, Matteo, cette région, à
l’évidence, fait partie du territoire gouverné par l’ilkhan Kaidu. Mais nous
devons être plus précis.
    — Comment pourrions-nous l’être, Nico ? Nous
ne savons pas comment Kaidu ni même Kubilaï appellent eux-mêmes cette région.
Les cartographes occidentaux se contentent tous de la désigner sous le vague
nom d’Inde aryenne, ou Grande Inde.
    — Ils n’y ont

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