Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
Vom Netzwerk:
même taille. Ils se dévisagent de nouveau.
    — Et que veux-tu que je fasse, si je réussis à devenir son confident ?
    — Le convaincre qu’il doit tempérer ses ardeurs et cesser toute provocation armée à l’égard des hérétiques. Qu’aucun acte prématuré ne doit être commis susceptible de déclencher une guerre à laquelle nous ne sommes pas prêts. Qu’il ne faut pour l’instant jouer que la carte de la prédication pacifique. Frère Dominique s’y emploie avec l’évêque d’Osma, ce saint homme, et ils ont déjà obtenu quelques belles conversions dans des débats contradictoires.
    Stranieri relève la tête et fixe le pape.
    — Et si ce Guillaume de Gasquet n’entend pas raison ?
    Innocent III hausse les épaules.
    — Tu trouveras le moyen de le mettre hors d’état de nuire.
    — As-tu pensé que ce que tu me demandes peut me priver du salut éternel ?
    — Ne t’inquiète pas : j’intercéderai moi-même auprès du Seigneur pour qu’il t’ouvre les portes du Paradis.
    Les deux hommes récitent ensemble le Pater, puis le pape bénit Stranieri.
    — Va, maintenant. Dépêche-toi. Le temps presse.
    Stranieri s’incline et baise la bague qu’Innocent III lui tend. Avant de sortir, il entend la voix de Lotario qui murmure dans son dos :
    — Prends tout de même garde à toi, Francesco. Nous tenons à ta personne. Il paraît que ces gens n’hésitent devant rien.

7.
    Fuyant le lieu du massacre, Touvenel, Yasmina et le jeune homme qu’ils ont sauvé se sont cachés pour la nuit dans une bergerie abandonnée. Épuisé par l’émotion autant que par leur course, le jeune rescapé du massacre leur a dit s’appeler Amaury et s’est effondré sans un mot sur la paille crottée.
    Le lendemain matin, Touvenel veut en savoir plus sur la cérémonie, ses participants, et surtout sur l’intervention des cavaliers blancs. Amaury, quoique méfiant, se livre à quelques confidences. Ne doit-il pas la vie à ce chevalier croisé ? Il lui apprend qu’il s’agissait d’un « consolamentum », l’équivalent du baptême chrétien chez les adeptes de la nouvelle religion, et que la transmission de l’Esprit-Saint s’effectuait chez eux par la dépose sur la tête du postulant de l’évangile de Jean ; il se plaint amèrement à Touvenel que, depuis quelque temps, les « bons hommes » qui récusent l’or, l’encens et la pompe de l’Église de Rome, la simonie de ses évêques ou la corruption de ses clercs, sont comme des brebis au milieu des loups et souffrent le martyre.
    Touvenel a du mal à croire à ce brusque changement d’esprit sur cette terre du Languedoc qu’il chérit par-dessus tout et dont il a toujours et partout vanté la tolérance. Jusqu’à présent, affirmait-il encore la veille à Yasmina, jamais n’y était faite aucune différence entre Sarrasins, juifs ou chrétiens. Le travail et le commerce profitaient à tous. Amaury ne généralise-t-il pas à toute une population ce qui n’est le fait que de quelques criminels en cagoules blanches ? Et cette religion cathare n’a-t-elle pas provoqué elle-même la vengeance aveugle de ces fanatiques parce qu’elle se serait montrée un peu trop prosélyte ou aurait stigmatisé sans discernement les représentants de l’Église catholique, pour s’attirer de nouvelles conversions ?
    — Pas du tout ! s’énerve Amaury. Nos « Parfaits » sont des savants en Écriture et ne demandent qu’à vivre en paix avec chacun. L’intolérance ne vient pas de nous, mais de ceux qui ne veulent pas reconnaître notre foi et nous laisser la pratiquer.
    Touvenel, voyant le jeune homme trop choqué par ce qu’il vient de vivre pour pouvoir mesurer ses propos, renonce à discuter plus longtemps et décide de reprendre sa route. Amaury les accompagne, mais, vexé par les doutes de Touvenel, s’enferme dans un mutisme hostile.
    Chemin faisant, Yasmina, tout en affectant l’indifférence, se plaît à détailler le fin visage aux yeux sombres du jeune homme, sa distinction naturelle, son long cou, ses épaules carrées sur lesquelles retombent ses longs cheveux noirs. Elle devine un corps mince et élancé sous la tunique serrée à la taille par une ceinture de cuir de Cordoue précieusement ouvragée.
    À la première pause qu’ils font, profitant de ce que Touvenel s’est écarté d’eux pour scruter les alentours, elle se rapproche et lui demande d’en dire plus sur leur mode vie.
    — Nous menons

Weitere Kostenlose Bücher