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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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certitudes.
    Après avoir repris un moment leur route ensemble, Amaury se sépare d’eux dans la vallée d’Arques et bifurque vers le sud pour retrouver les siens. Après lui avoir dit adieu et souhaité bonne chance, Yasmina le regarde s’éloigner avec une expression de regret. Touvenel, sans aucun commentaire, reprend avec elle le chemin de sa seigneurie de Carrère. Il ne peut cependant s’empêcher de murmurer comme pour lui-même, mais avec la volonté d’être entendue de sa jeune compagne :
    — Si ses coreligionnaires lui ressemblent, j’ai peur pour les temps à venir dans ce pays.
     
    Parvenus à un poste de guet isolé sur un pic, Touvenel désigne à Yasmina un village aux maisons encastrées les unes dans les autres sur un promontoire aux flancs en pente douce. Il pointe son doigt vers un sommet occupé par un modeste château de pierres blanches surmonté d’un donjon rectangulaire.
    — Ma famille l’a fait construire plus pour intimider que pour se défendre. Les seigneurs de Carrère n’ont jamais été assez riches ou possédé assez de terres pour susciter la convoitise de leurs voisins. Et, stratégiquement, la place ne présente aucun intérêt. Regarde, tout ici n’est que douceur. Nulle falaise abrupte pour protéger le château. Un simple mamelon, un petit village à ses pieds, pas de route à surveiller, rien que des champs aux haies de lauriers et des landes de genêts.
    Ils redescendent vers la vallée. Touvenel ne peut s’empêcher d’être taraudé par une angoisse qu’il n’ose pas avouer à Yasmina. Ce n’est pas d’avoir découvert le poste de guet désert qui l’inquiète, cette tourelle ne sert plus à rien depuis longtemps. La raison de son trouble se trouve ailleurs : il ne distingue pas, comme à l’habitude, les files de marchands itinérants, de paysans, d’ouvriers, ni les trains de charrettes qui s’échelonnaient habituellement sur la route montante. Pas plus qu’il n’a aperçu de présence humaine au-delà des courtines du château, lorsqu’il l’a observé depuis le poste de guet.
    Il essaie de se raisonner : cette région connaît le calme depuis la fin des hostilités entre Aragonais et Languedociens. Depuis son entrée au pays, il a vu le paysan rentrer des champs, sa houe sur l’épaule et le produit de ses collets à la main, le maréchal des villages marteler son enclume, le tisserand vérifier la floraison de sa prochaine récolte de lin, le berger tondre ses moutons, le meunier porter ses grains au moulin. Bien sûr, il y a toujours la possibilité que des hommes sans foi ni loi, revenus de croisade et privés désormais d’engagement, aient commis forfaits et rançonnements en terre chrétienne. Mais le comte de Toulouse a toujours su faire régner l’ordre et respecter la paix, il les aurait vite mis au pas. Quant à ces hommes cagoulés de blanc qu’il a vus perpétrer cet horrible massacre, leur cible relevait plus de leur fanatisme que du brigandage.
    Dans la grande rue à peine empierrée du bourg de Savignac, Touvenel s’inquiète du regard que les passants portent sur lui. Ne le reconnaissent-ils pas ? Il a beaucoup changé certes, vieilli et maigri, perdu de sa superbe, son visage s’est émacié, ses yeux se sont enfoncés dans les orbites, sa tunique est déchirée et poussiéreuse, sa compagne de voyage a la peau sombre, mais cela peut-il expliquer que ces hommes et ces femmes répondent à peine à son salut ? Reconnaissant l’un d’eux, il l’interpelle :
    — Hé ! toi ! Tu es bien Déodat, le meunier ?
    L’homme hoche la tête et pose le sac qu’il porte.
    — Pourquoi ne me salues-tu pas comme d’habitude ? As-tu une raison de me craindre ?
    — Seriez-vous le sieur de Touvenel ? interroge l’homme, après l’avoir dévisagé quelques instants.
    — Tu as bien vu, je te félicite.
    Des villageois qui ont entendu l’échange convergent soudain autour de lui avec des regards emplis de ferveur, joignant les mains et le saluant chapeau bas.
    — Relevez le chef, mes bons, je suis revenu, c’est tout. Je vais continuer de vous assurer aide et protection, comme le doivent les seigneurs à leurs sujets. Ceux de Carrère ont toujours proclamé que les simples avaient des droits et les forts des devoirs. C’est là bonne loi, je m’efforcerai qu’elle soit toujours vraie.
    Aux nouvelles du pays que Touvenel demande, le meunier répond avec une nuance d’embarras :
    — Les temps nous ont

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