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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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l’Église enseigne, le doute et la paresse ne seraient-ils pas des vices plus nobles que toutes les vertus ? s’interroge l’espion du pape.
    Il sent une main se poser sur son épaule et sursaute. Gasquet lui sourit.
    — La vraie finesse serait, bien sûr, que le « bon homme » que nous accuserons d’avoir commis cet attentat se déclare lui-même coupable.
    Interrompu dans ses réflexions, Stranieri met quelques secondes à réagir.
    — Tu demandes vraiment l’impossible ! soupire-t-il.
     
    Suivi de Guiraud, Guillaume de Gasquet franchit la dernière marche de l’étroit escalier des caves du château de Puech et s’enfonce avec lui dans l’obscurité humide des oubliettes creusées dans le roc, là où l’on enferme des prisonniers de droit commun ou quelque baron adverse défait dans une de ces petites guerres intestines du pays. Guiraud peste intérieurement de salir ses habits aux plaques de salpêtre qui suintent du roc. Une odeur insolite monte vers eux, une odeur poivrée, étonnante dans un tel lieu. Une faible lueur s’échappe d’un soupirail barré de montants de fer, à côté d’une porte solidement cloutée et verrouillée.
    — L’avantage de cet endroit, fait remarquer Gasquet, c’est qu’on n’est pas obligé d’y poster un homme d’armes pour garder ceux qu’on y enferme. Ainsi les secrets y sont-ils bien gardés. Jette un coup d’œil.
    Guiraud s’agenouille pour regarder à travers le soupirail.
    — J’ai mis à la disposition de ces « hôtes » dont tu te méfies tant tout ce qu’il faut pour réaliser cette chose diabolique dont je t’ai parlé, qu’ils appellent leur « bombe » et qui te stupéfiera.
    Guiraud constate que, dans la salle souterraine, l’étrange moine à la face de lune travaille à la lueur de torches, mélangeant méticuleusement sur un long plateau de bois des petits tas de salpêtre à d’autres, de poudre noir et jaune, sur lesquels il effrite des brins de charbon de bois. Près de lui, le faux troubadour, qui a quitté son costume de baladin, semble absorbé dans une série de calculs qu’il consigne sur un parchemin.
    Guiraud se relève et époussette ses chausses.
    — Je veux bien croire à la réussite de leur « bombe », mais comment peux-tu espérer produire devant l’opinion un cathare qui se laisserait accuser d’un tel forfait ?
    — Stranieri m’a déjà posé la question, et j’y ai réfléchi. Une fois leur travail terminé, c’est à lui que je demanderai de s’introduire chez les hérétiques et de nous trouver un individu assez excité et stupide pour entrer dans notre affaire.
    — Pourquoi lui ?
    — Parce que aucun des nôtres ne réussira aussi bien à tromper nos adversaires en se faisant passer pour l’un d’eux.
    — Et qu’est-ce qui te fait croire qu’il le pourra ?
    — J’ai pris mes renseignements sur lui. Il est bien l’homme auquel je pensais. C’est un espion d’Innocent III. Il a réussi des missions bien plus difficiles que celle-là.
    — Qui t’assure qu’il ne nous trahira pas ?
    — Je l’ai fait jurer devant Dieu, le Saint-Esprit, Jésus et la Vierge Marie.
    Le visage de Guiraud affiche une moue de dédain amusé.
    — Crois-tu vraiment que ce soit une garantie suffisante ?
    — Non. Mais je garderai son Chinois en otage. Il a l’air de tenir à lui.
    Guillaume de Gasquet dégaine sa dague et, avec un geste éloquent, passe la lame devant sa gorge.
    — Cette lame ne s’est pas désaltérée au sang d’un félon depuis longtemps. Ce Stranieri sait que je ne suis pas homme à plaisanter. Il ne voudra sûrement pas que j’ajoute une autre bague à l’un de mes doigts.

12.
    — C’est le Haut Mal ! diagnostique Macabret en se signant.
    Yasmina, allongée sur sa couche, recouverte d’un drap grossier et épais, grelotte de fièvre. Une horrible quinte de toux lui déchire la poitrine. Touvenel, d’un coin du drap, éponge délicatement la sueur qui coule en rigoles le long de son cou, mais n’ose toucher ce corps agité de tremblements.
    — Tu dis n’importe quoi, Macabret. Elle n’est pas prise de convulsions, elle tremble simplement. Ce n’est donc pas le Haut Mal. Elle aura plutôt pris froid l’autre nuit, dans l’eau de la ravine, en m’accompagnant à la chapelle du vallon d’Arques.
    Il n’est pourtant pas certain de ce qu’il affirme. Serait-ce la fièvre des lagunes, la même qui a emporté son fidèle Robert ? Yasmina,

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