Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
Vom Netzwerk:
alors, serait perdue. L’angoisse le saisit. La jeune femme a pris tant d’importance dans sa vie qu’il ne pourrait à présent supporter qu’elle disparaisse. Elle est devenue la personne au monde qui compte le plus pour lui, la seule envers qui il éprouve à présent une responsabilité, celle du père qu’il n’a jamais été.
    — Macabret, connais-tu quelqu’un qui soit versé dans la médecine ? Il doit bien exister au village de Savignac une matrone qui distille des infusions et fabrique des philtres ?
    — Mieux que ça, monseigneur ! Nous y avons une experte en herbes de médecine. Elle a sauvé l’an passé ma femme d’une fièvre maligne.
    — Une sorcière ? s’inquiète Touvenel.
    — Si toutes les sorcières étaient aussi plaisantes à regarder, on ne les pousserait pas au bûcher ! s’amuse Macabret. Aidez-moi à porter votre fille dans ma charrette, on va l’y conduire.
     
    « Effectivement, si toutes les sorcières étaient aussi plaisantes à regarder ! » songe le chevalier en contemplant le visage harmonieux de Constance, penché sur celui de Yasmina, la paume de la main posée sur son front brûlant de fièvre. Lorsque Macabret l’a amené au village, il a été surpris autant qu’heureux de découvrir que c’était elle, la fameuse guérisseuse que son régisseur venait d’évoquer. Tout, dans la manière de parler ou de se conduire de cette femme lui inspire confiance. La franchise du regard, la netteté des gestes, la clarté des paroles. Au-delà du trouble sensuel indéniable qu’elle provoque en lui, il se sent pour elle du respect et de l’admiration. « C’est à coup sûr une femme d’exception, pense-t-il, pour savoir à la fois mener un commerce comme le sien et avoir des compétences en médecine. » Aussi est-il soulagé, en observant la sûreté de ses gestes et le sérieux de sa concentration, que ce soit à elle, et pas à un de ces médecins emplis de morgue, qu’ait échu le soin de Yasmina. Toujours inconsciente, la jeune Mauresque est allongée sur le matelas de plumes du grand lit clos de la chambre d’amis, infiniment plus confortable que sa fruste couche de la ruine de Carrère. Constance, appuyant un index sur les paupières inférieures des yeux de la jeune femme, les tire vers le bas. Elle constate avec une petite moue d’inquiétude :
    — Le blanc vire au jaune foncé.
    Aux deux servantes requises pour l’assister, elle commande :
    — Prélevez les macérations habituelles dans mes bocaux, spécialement du pyrèthre et de la bourrache. Apportez mes onguents. Préparez un broc d’eau fumante et une grande cuvette.
    Sans se soucier de Touvenel qui la guette depuis le seuil de la porte, intrigué et inquiet, elle enfouit sa tête sous la jupe de la jeune fille pour plonger entre ses cuisses, et en ressort après de longues minutes avec un petit flacon rempli d’urine qu’elle goûte du bout du doigt. Elle esquisse une moue dubitative, recommence l’opération, réfléchit un instant en regardant le chevalier droit dans les yeux, puis lui confie :
    — En pressant sur son bas-ventre, j’ai pu lui prélever un peu d’urine. Elle m’indique que votre fille adoptive, bien qu’originaire des pays chauds, souffre d’une humeur dominante de constitution mélancolique.
    Touvenel s’étonne.
    — Depuis des mois qu’elle chemine avec moi, je ne l’ai jamais vue sujette à la mélancolie. Qu’est-ce que cela veut dire ?
    — Qu’elle est de l’un des quatre tempéraments liés aux quatre humeurs dégagées par la doctrine d’Hippocrate. Les jeunes gens sont souvent de cette humeur-ci, liée à l’abondance de bile noire qui circule dans leur corps. D’après moi, votre fille ne souffre pas d’une fièvre des lagunes, comme vous l’avez craint un moment. C’est la froideur des dernières nuits qui a dû provoquer en elle une forte constriction de sa poitrine. Et si son corps est brûlant, ses trayons sont frais, ce qui n’est pas mauvais signe.
    Des servantes lui apportent eau chaude, linges, onguents et bassines.
    — Je vais la soigner avec des cataplasmes de moutarde noire.
    Tandis qu’une servante trempe une poche de peau dans l’eau brûlante de la cuvette, Constance abaisse le haut de la tunique de Yasmina et effleure son buste d’un geste délicat des doigts.
    — Ils vont lui rougir un peu sa belle poitrine. Mais ils feront venir à la surface le mauvais sang qui l’étouffe.
    Se rendant soudain

Weitere Kostenlose Bücher