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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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l’aube.
    S’emparant de la gourde, il la porte au-dessus de lui, bascule la tête en arrière et boit à la régalade, sans qu’aucune goutte ne tombe hors de sa bouche. Satisfait, il s’essuie les lèvres d’un revers de la main et la rend à son propriétaire. Stranieri commence à comprendre un peu mieux comment fonctionne l’homme : il a des idées arrêtées sur toute chose, des habitudes bien à lui, un certain sens de la retenue et une volonté affichée d’honnêteté et de franchise. En gros, il a une haute conscience de lui-même et veut qu’on l’apprécie pour ce qu’il est. « De mieux en mieux, pense Stranieri, le type même de la victime idéale. » Et, affectant un air impressionné :
    — Vous ne m’en voudrez pas, monseigneur, mais j’aurais beaucoup de peine à faire de la sorte avec autant d’adresse, répond-il en sortant un gobelet de son sac.
    Touvenel sourit. « Il est content de son petit effet, pense Stranieri en se servant à boire. Un atout de plus : le goût d’un certain affichage. Il faudra que je m’en serve. »
     
    Après avoir traversé la garrigue, tous deux gravissent la colline pelée de Roquecourbe par un raidillon caillouteux. Le chevalier, malgré ses grandes enjambées, est surpris de constater que son compagnon supporte très bien l’effort. Il accélère encore, pour voir. Mais ce Lestranger le suit et parfois même le dépasse.
    Arrivés au sommet, ils décident d’une pause, pour le plaisir et s’assoient.
    — Ne nous sommes-nous pas déjà vus quelque part ? demande Touvenel.
    — Je viens seulement d’arriver dans le pays, messire.
    — J’ai pourtant cru voir quelqu’un comme vous l’autre jour à l’église, lorsqu’un seigneur prêchait contre les cathares à la place du curé qui préférait se cacher.
    « Allons bon ! pense Stranieri, il m’aurait donc repéré ? C’est bien ma chance ! » Il tergiverse quelques secondes sur l’attitude à adopter, puis décide de nier pour le moment.
    — Peut-être avez-vous vu quelqu’un portant ce genre de chapeau couvert de médailles ? C’est un couvre-chef très habituel, pour les troubadours.
    Et, ouvrant sa gourde de vin, il la tend de nouveau à Touvenel. Le chevalier hésite.
    — Je ne bois pas autant le matin, d’habitude.
    — Auriez-vous fait vœu d’abstinence ?
    Touvenel, après avoir hésité à nouveau, reprend la gourde et boit une nouvelle gorgée. Stranieri en fait autant, en se servant toujours de son gobelet, puis il range les deux ustensiles et s’absorbe dans la contemplation du paysage. « Il va falloir que je le teste sur son attachement aux religions et à leurs extrémismes », pense-t-il.
    — Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai une philosophie de la vie assez simple : je n’ai aucun goût pour l’abstinence et je crains davantage les purs que les corrompus.
    — Expliquez-vous.
    — C’est très simple. Je sens que vous êtes un homme d’expérience. J’imagine que vous avez donc pu constater que les purs sont presque toujours des fanatiques, aussi bien dans la vie courante que dans les religions.
    Touvenel concède :
    — Ce n’est pas faux.
    — Et si les corrompus ont besoin de luxure et de richesse pour être satisfaits, c’est un moindre mal, car les purs, eux, ne peuvent l’être que par le sang.
    Touvenel revoit passer devant ses yeux quelques images de fanatiques appelant au meurtre au nom de la foi, pendant le sac de Constantinople.
    — Je sens que vous avez dû beaucoup voyager, soupire-t-il.
    — Un peu, en effet.
    « C’est encore mieux ! pense Stranieri. Il rejette les fanatismes, d’où qu’ils viennent. Il s’accusera par dégoût de les voir monter de part et d’autre, préférant jouer le rôle de victime expiatoire, pour sauver la communauté de ses débordements sanglants. » Il poursuit :
    — Mais il y a plus grave, en ce qui concerne la pureté. C’est que les purs, après avoir été des martyrs, deviennent aisément des persécuteurs.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Que les grands criminels se recrutent le plus souvent parmi les martyrs à qui l’on a oublié de couper la tête.
    Le chevalier réfléchit et soupire avec tristesse :
    — Ce que vous dites est affreux, mais je crains que vous n’ayez raison. Après ce que j’ai vécu à Constantinople, la montée de ces violences et de ces haines est une chose que je ne pourrais plus supporter. Plutôt que d’y

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