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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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existent, et celui qu’il a vu œuvrer l’autre jour en avait bien le profil.
    Soudain, comme si le Seigneur lui faisait signe, il aperçoit à quelques dizaines de mètres devant lui, penché sur le sol au milieu des épineux, l’homme auquel il pensait. « Est-ce que je rêve ? » se demande-t-il. C’est bien lui, mais en habit de ville, et plutôt élégant de surcroît. Stranieri s’approche. Le vent empêche l’homme de l’entendre venir. Relevant la tête, il sursaute en le découvrant. Stranieri retire aussitôt son chapeau et le salue. « Essayons d’abord de découvrir s’il est proche des cathares », pense-t-il. Il a pu voir que l’homme venait de libérer un petit lièvre, prisonnier d’un collet de braconnier.
    — C’est fort généreux à vous, monseigneur, de libérer ce mammifère, mais ce le serait plus encore si vous mettiez cela à la place, lui dit-il en lui tendant un marc d’argent.
    La pièce intrigue Touvenel autant que la demande du troubadour. Comme il se relève en essayant de comprendre, Stranieri s’accroupit pour déposer son obole sous le collet défait, tout en poursuivant :
    — S’il est bien de libérer le gibier pris au piège, il est juste aussi de dédommager son chasseur.
    — C’est un principe ? demande Touvenel, amusé.
    Stranieri se relève.
    — Oui, un principe cathare.
    Touvenel a une mimique d’étonnement.
    — Dois-je comprendre que vous êtes cathare ? Je n’ai pas eu l’occasion de voir souvent des « bons hommes » habillés comme vous l’êtes.
    — Vous avez raison. Mon costume est celui d’un troubadour. Les médailles que vous voyez accrochées à mon chapeau sont celles que j’ai gagnées dans des concours.
    Les deux hommes fixent le marc d’argent. Et, comme Stranieri affiche un air satisfait, Touvenel conclut, amusé :
    — Vous êtes apparemment un homme de principes.
    — Non. Mais j’aime les principes.
    Tous deux restent de nouveau silencieux quelques instants. « L’homme n’est pas un adepte de la nouvelle religion, pense Stranieri, mais il ne lui est pas défavorable. » Touvenel ramasse une grosse botte de thym qu’il a cueillie et déposée près du collet, puis se redresse :
    — C’est bien. Mais je dois vous avouer que je préfère les hommes aux principes. Cela va donc nous séparer.
    Puis, s’inclinant :
    — J’ai bien l’honneur, messire ! conclut-il en prenant congé d’un signe de tête.
    Stranieri le regarde s’éloigner. « Cela vaut-il la peine de poursuivre plus loin avec lui ? » se demande-t-il. L’homme n’est peut-être pas aussi cathare qu’il le faudrait. À coup sûr, il ne partage pas les idées des extrémistes catholiques et possède un grand sens de la justice et de la tolérance, mais cela suffira-t-il à lui faire endosser la faute de toute une communauté ? Peut-être que oui, justement ! N’a-t-il pas été capable de prendre des risques pour sa vie, lorsqu’il a soutenu ce paysan en face d’hommes armés ? Et puis, mieux vaut qu’il ne soit pas un cathare déclaré, si l’on veut éviter les représailles immédiates sur la communauté hérétique. Touvenel a pris une cinquantaine de mètres d’avance. Stranieri court derrière lui et le rattrape.
    — Attendez. Accordez-moi quelques instants. Il est si rare de rencontrer sur cette lande quelqu’un avec qui l’on puisse s’entretenir d’autre chose que du temps qu’il fait ou de la qualité du fumier !
    Touvenel s’immobilise.
    — Puis-je savoir à qui j’ai l’honneur ?
    — Je m’appelle Lestranger. François Lestranger.
    — Et moi, Bertrand de Touvenel.
    — Enchanté, messire.
    Stranieri prend son temps et sourit ostensiblement.
    — Eh bien, messire de Touvenel, pour continuer notre conversation, savez-vous ce que je place, moi, au-dessus des hommes et des principes ?
    Touvenel fait non de la tête.
    — Ce sont les hommes sans principes.
    Touvenel, surpris, ne peut s’empêcher de rire. Content de son effet, Stranieri décroche le sac pendu dans son dos, l’ouvre et en sort une petite gourde de cuir. Il en ôte le bouchon de corne, en hume le contenu avec un air satisfait et la lui tend.
    — Si monseigneur veut bien me faire l’honneur de goûter : un grenache, la pervenche de tous les vins. Encore frais malgré le long chemin que je viens de parcourir.
    Touvenel hésite, puis se décide.
    — Pourquoi pas ? Je ne me suis pas désaltéré depuis

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