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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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tant croyais-je savoir
    D’amour, et tant petit en sais !
    Car d’aimer ne puis me tenir
    Celle dont tenir j’aimerais
    Elle m’a ravi mon cœur et ma raison
    Et moi-même et le monde entier
    En me laissant désir et cœur d’envie
    chante le troubadour en s’accompagnant de son luth.
    Et des rires lui répondent. Une musique pas vraiment du goût de Macabret. Rentré du champ sur son âne, il a trouvé sa femme et une demi-douzaine de paysannes réunies en cercle dans la cour de sa ferme autour d’un homme au chapeau de feutre constellé de médailles, qui fait le joli cœur. Il saute de son âne et marche sur le chanteur.
    — Holà, troubadour ! Ce n’est point l’heure des chansons, ni le lieu.
    L’homme retire son chapeau et le salue bien bas.
    — Apprends, l’ami, qu’il n’y a pas d’heure pour chanter, car la vie entière n’est que le chant de Notre-Seigneur.
    Cette repartie déclenche le rire des femmes. Encouragé, Stranieri plaque un nouvel accord sur son luth.
    Ô Dieu, ô Dieu, cette aube si tôt vient
    Dans le jardin où chantent les oiseaux
    Belle douce amie, remettons ça un coup
    Mais Macabret n’est pas d’humeur à l’écouter.
    — On n’a pas d’argent ici, pour les bons à rien de ton espèce. Va-t’en chercher ta pitance ailleurs !
    — Rassure-toi, l’ami, je ne cherche pas d’argent. Cette aubade, je l’offre à ces ravissantes, pour le seul plaisir de leurs jolis minois.
    Les femmes sourient, visiblement de son parti. Macabret le sent et s’énerve davantage.
    — Suffit, l’étranger ! Qu’est-ce que tu veux, au juste ? Est-ce que tu cherches à te moquer de moi ?
    Il s’approche du troubadour et, d’une main, le pousse un peu brutalement. Mais Stranieri, sans le moindre effort, résiste à cet assaut et ne bouge pas d’un pouce.
    — Holà, tout doux, l’ami ! Je ne cherchais que le seigneur de Touvenel, pas une querelle ! Quelqu’un m’a recommandé à lui, mais je ne l’ai pas trouvé dans les ruines de son château. C’est pourquoi j’ai fait un détour par ta ferme pour me renseigner. Cela te suffit-il ?
    Macabret, qui ne tient pas à affronter une nouvelle fois les foudres de son maître, semble se calmer. Stranieri s’en aperçoit et ne résiste pas au plaisir d’une petite provocation.
    — Un détour que je ne regrette pas !
    Et il caresse la joue rose d’une jeune paysanne qui lui fait les yeux doux. Macabret saisit cette main sacrilège et essaie de lui tordre le bras, mais Stranieri se contorsionne de façon inattendue et se dégage aisément de la prise. Reculant de deux pas, il affronte Macabret.
    — Serait-ce ta fille ou ta maîtresse, pour que tu y tiennes tant ?
    — Décampe, ou il va t’en cuire !
    — Mais tout doux, l’ami, attention ! Les étrangers comme moi ne connaissent pas que des chants d’amour, tu pourrais t’en rendre compte à tes dépens.
    Les deux hommes restent un moment face à face, se défiant. L’ironie qu’il sent dans les yeux de Stranieri attise la colère de Macabret, qui ne se contient plus. Arrachant une fourche plantée sur une botte de paille, il la pointe vers le troubadour.
    — Si tu ne disparais pas tout de suite, tu vas retrouver celle-là plantée dans ton cul !
    Stranieri, abandonnant son luth, s’écarte un peu, puis exécute soudain un curieux pas de danse de gauche à droite, puis de droite à gauche, comme pour désorienter son agresseur ou se moquer de lui davantage. Les femmes rient et applaudissent. Fou de rage, le régisseur charge. Mais Stranieri fait un écart, évite les trois pointes de l’outil, et assène un violent coup du plat de la main dans le dos de son agresseur. Macabret perd l’équilibre et lâche sa fourche. Stranieri la ramasse aussitôt et la pointe sur lui avant qu’il ait eu le temps de se relever.
    — Comprends-tu maintenant ce que je te disais à propos des étrangers dans mon genre ? Ils savent aussi chanter la guerre et quelques rodomontades de même acabit, si cela te plaît davantage.
    La terre croule partout où je passe
    Et il n’est point d’ennemi si hautain qu’il soit
    Qui ne me laisse la route ou le sentier
    Tant on me craint quand on entend mon pas
    Il enfonce légèrement les pointes de la fourche dans le ventre de Macabret. Le régisseur transpire de peur.
    — Soyons sérieux, à présent ! Je t’ai posé une question à propos du sieur de Touvenel. Aurais-tu la courtoisie de me répondre ?
    Stranieri

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