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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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reviendras.
    Constance lui baise la main et le regarde avec regret s’éloigner en piquant son cheval. Après leur nuit d’amour, il lui a dit qu’il avait rêvé de sa défunte femme Esclarmonde. Debout dans la chambre, au pied de leur lit, elle les avait regardés s’étreindre sans lui faire aucun reproche. Quand ils en avaient eu fini, elle lui avait rappelé simplement sa promesse de retrouver ses assassins et de la venger. Il se devait de répondre à l’injonction.
    Dès son lever, il était allé visiter Yasmina, brûlante de fièvre. Elle l’avait à peine reconnu. Constance avait essayé de le rassurer en alléguant que le nouveau traitement ne pourrait donner de résultats avant deux ou trois jours. Il lui avait alors annoncé qu’il devait partir, en jurant par Dieu qu’il reviendrait, sitôt cette affaire d’honneur réglée.
     
    Touvenel ne s’est pas rendu à la cité narbonnaise depuis plus de cinq ans. Il s’étonne de la rapidité avec laquelle la ville s’est transformée. Sur un chantier, tailleurs, maçons et sculpteurs s’activent habilement du ciseau, du coulisseau, de la scie, de la massette et de la gouge, d’après les directives du maître de la pierre reconnaissable au compas à pointe sèche porté en sautoir sur sa poitrine. La cathédrale Saint-Just, en projet depuis des années, élève maintenant ses ogives au-dessus des plus hautes maisons bourgeoises de la ville.
    Touvenel s’y arrête un instant pour regarder des hommes dans les cages à écureuil : ils s’y agitent avec frénésie, en compétition avec les préposés aux poulies et aux louves, pour hisser plus haut et plus vite qu’eux d’énormes blocs de pierre taillée au sommet des arcs-boutants. « Je n’aurais jamais pensé appliquer ce système à l’homme, pense-t-il. Où l’ingéniosité humaine s’arrêtera-t-elle ? Sans doute trouvera-t-elle bientôt le moyen d’inventer des machines géantes, fournies de poulies et de palans, qui permettront de bâtir d’immenses édifices, sans que l’homme y perde sa sueur et sa vie ? »
    Au galop de son cheval, il a parcouru plus de dix lieues depuis Savignac, lorsqu’il a passé l’Aude au pont de pierre de Coursan contrôlé par un poste de garde. Il n’a réduit l’allure que lorsqu’il est parvenu au faux bourg de Narbonne. À Mont-Redon, il a traversé une agglomération désordonnée de constructions spontanées, des masures misérables construites à la hâte, et qui n’existaient pas avant son départ pour la croisade. « Des gens de la campagne qui ont quitté leur terre en espérant profiter de l’argent de la ville. Les pauvres déchanteront vite, en s’apercevant que le profit ne se partage pas. »
    Les anciens remparts qui protégent la ville ont été rehaussés et élargis pour englober une partie des faux bourgs qui l’encerclaient. Le large fossé qui les précédait sert toujours de dépotoir aux gens de la cité et enlaidit malheureusement la monumentale porte nord. Du pied des tours, la garde surveille attentivement les entrées et les sorties des chariots qui traversent l’enceinte pour accéder à la porte sud, sur le port de mer des Bages.
    Au flanc des tours, Touvenel remarque qu’on a redoré les sculptures de la Vierge Marie et de l’archange saint Michel, que l’évêque a nommés protecteurs de la cité. Dans le quartier des tisserands, il met pied à terre. Son cheval tenu par la bride dans l’étroite et sombre rue des Filatiers, encombrée d’étals de peaux et de tissus, il débouche dans le carré des bijoutiers et des monnayeurs. Les étages à encorbellement des maisons y laissent à peine passer la lumière, tant elles sont serrées les unes contre les autres. Derrière chaque façade brûle nombre de chandelles qui projettent sur le papier huilé des fenêtres les silhouettes des usuriers et de leurs clients, penchés sur les trébuchets et les tableaux de bois à calculer. Touvenel peut y imaginer la rédaction de lettres de change et l’ouverture discrète de coffrets aux pièces d’argent.
    Il pénètre dans une échoppe. Le boutiquier, un homme maigre vêtu de noir, au crâne dégarni et au regard soupçonneux, lui dit que celui qu’il cherche a déménagé après avoir fait fortune et qu’il ne sait pas où il se trouve. Une des pièces de la bourse que Constance lui a offerte, après avoir tinté sur le comptoir du prêteur, convainc l’homme d’en dire un peu plus. Il lui conseille

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