L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
chasse avec toute l’ardeur d’un excellent limier. Tandis qu’il était tourné vers l’ennemi, offrant sa poitrine sans protection à tous les dangers qui pourraient le menacer, il vit avec un sourire de mépris la position judicieuse que le nègre avait choisie.
Après l’avoir regardé quelques instants avec un dédain inexprimable :
– Monsieur Peau-Noire, lui dit-il, vous paraissez prendre grand soin de votre charmante personne.
– Moi supposer que balle percer peau de couleur aussi bien que peau blanche, répondit César avec un peu d’humeur, mais en regardant d’un air de satisfaction le mur qui lui servait de rempart.
– Mais ce n’est qu’une supposition ; si nous en faisions l’épreuve ? dit le dragon en prenant un pistolet à sa ceinture et en dirigeant le bout vers le nègre. Les dents de César claquèrent de frayeur, quoiqu’il ne crût pas que le dragon parlât sérieusement.
Ce fut en ce moment que la colonne de Dunwodie commença son mouvement en arrière, et que la cavalerie royale fit une charge.
– Eh bien ! vous de la cavalerie légère ! s’écria César, croyant que les Américains prenaient véritablement la fuite ; rebelles en déroute, troupe du roi George faire courir troupe du major Dunwoodie ; être un brave homme le major, mais pas se soucier de combattre les troupes régulières.
– Au diable les troupes régulières ! s’écria le dragon. Attends un moment, noiraud, et quand le capitaine Jack Lawton sortira de son embuscade, tu verras ces misérables Vachers s’éparpiller comme une troupe d’oies sauvages qui ont perdu leur chef de file.
César s’était imaginé que le détachement sous les ordres du capitaine Lawton s’était placé derrière une montagne par le même motif qui l’avait engagé lui-même à mettre l’angle d’une muraille entre lui et le champ de bataille ; mais le fait vérifia bientôt la prédiction de la sentinelle, et le nègre vit avec consternation la déroute complète de la cavalerie royale.
Le factionnaire avait manifesté sa joie du succès de ses camarades en poussant de grands cris qui attirèrent bientôt à la fenêtre du salon son compagnon, resté dans l’intérieur de la maison pour garder à vue le capitaine Wharton.
– Vois, Tom, lui cria la sentinelle avec transport, vois comme le capitaine Lawton fait sauter le bonnet de cuir de ce Hessois, et de quel coup le major vient de renverser le cheval de cet officier Morbleu ! pourquoi ne l’a-t-il pas tué lui-même au lieu de sa monture ?
Quelques coups de feu furent tirés contre les Vachers qui fuyaient de toutes parts, et une balle épuisée vint casser un carreau de vitre à quelques pieds de César. Imitant aussitôt la posture du grand, tentateur de l’espèce humaine, le nègre alla chercher en rampant une protection plus assurée dans l’intérieur de la maison, et monta sur-le-champ dans le salon.
Une petite haie entourait un enclos situé presque en face des Sauterelles, et les chevaux des deux dragons y avaient été attachés au piquet pour y attendre le départ de leurs maîtres. Les Américains victorieux avaient poursuivi les Hessois en retraite jusqu’à l’endroit où ceux-ci se trouvaient sous la protection du feu de leur infanterie ; les deux guerriers pillards se trouvant cachés dans cet enclos à l’abri de tout danger immédiat, cédèrent à une tentation à laquelle peu de soldats de leurs corps étaient en état de résister : l’occasion de s’emparer de deux chevaux. Avec une hardiesse et une présence d’esprit qu’ils ne pouvaient devoir qu’à une longue pratique de pareils exploits, ils coururent vers leur proie par un mouvement presque spontané. Ils étaient occupés à dénouer les cordes qui attachaient les chevaux, quand le dragon qui était de garde sur la pelouse tira contre eux ses deux coups de pistolet, et courut dans l’enclos, le sabre à la main, pour s’opposer à l’enlèvement des chevaux.
Son compagnon qui était dans le salon avait redoublé de vigilance à l’égard de son prisonnier, en y voyant entrer César ; mais ce nouvel incident l’attira une seconde fois à la croisée ; et avançant la moitié du corps hors de la fenêtre, il chercha par sa présence, ses imprécations et ses menaces, à effrayer les maraudeurs et à leur faire abandonner leur proie. Le moment était propice pour Henry, et la tentation était forte. Trois cents de ses camarades étaient à un
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