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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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merci!», grommela l’homme entre ses dents à l’intention de la bête. Quand les fillettes arrivèrent dans l’entrée, il continua cette fois à haute voix:
    â€” Entendu, si sa mère est d’accord, je me réjouirai de sortir avec les deux plus jolies filles de Sainte-Agathe.
    Plus pâle de teint, Fran aurait sans doute rougi un peu.
    Quoiqu’elle fût du même âge que Nadja, ses hormones avaient pris une petite longueur d’avance. Que les hommes, et pour elle le terme désignait les mâles de dix ans et plus, la trouvent jolie prenait depuis peu une importance nouvelle.
    Un peu plus tard, Renaud Daigle frappait à la porte de la maison voisine et demandait le plus sérieusement du monde à la femme venue lui ouvrir:
    â€” Madame Bielfeld, m’autorisez-vous à emmener mademoiselle votre fille chez Belson, rue Saint-Vincent, manger un hamburger? Je ne sais pas si c’est kascher.
    â€” Comme nous y allons régulièrement, je présume que ça l’est. Vous êtes certain que cela ne vous ennuie pas?
    â€” Pas le moins du monde. Et puis cela me permet de sauver la dignité d’un chat.
    â€” … Pour un motif comme celui-là, fit-elle, amusée, je m’en voudrais de refuser.

    Le restaurant de la rue Saint-Vincent, tenu par un Belson arrivé de Montréal quelques années plus tôt, offrait des hamburgers et des hot-dogs aux jeunes de la petite ville, sans se soucier qu’ils fussent Aryens ou Juifs. Cet individu aussi figurait parmi les ennemis d’Adrien Arcand. Pourtant, il servait la clientèle de toutes les races avec la plus grande jovialité.
    Renaud et ses compagnes recevaient tout juste leur repas quand Élise Trudel passa la porte, accompagnée du fils Davidowicz, Solomon. Elle ne pouvait faire autrement que de venir les saluer, l’homme ne pouvait éviter de lui demander de se joindre à eux. Entre gens bien élevés, les choses se déroulaient ainsi. Comme elle semblait hésiter, il insista:
    â€” Vous le voyez, cette grande banquette peut très bien vous accueillir, alors que je crains qu’il n’y ait pas d’autre table libre.
    C’était vrai. Le trio occupait un large banc en forme de fer à cheval, la place ne manquait pas.
    â€” Si vous êtes certain que je ne vous dérange pas…
    La femme s’assit d’un côté de la table avec Renaud, les deux fillettes se tassèrent un peu pour que le garçon se joigne à elles. Le propriétaire des lieux vint en vitesse prendre les commandes supplémentaires, s’esquiva ensuite. Convaincu que sa fille tendait ses antennes pour ne rien manquer, l’avocat demanda:
    â€” Comment vont les choses pour vous, depuis les… événements?
    â€” Je profite de l’été. Quand le mauvais temps reviendra, j’accepterai sans doute l’offre de Lapointe et trouverai à m’employer pour le gouvernement fédéral, à Montréal de préférence.
    â€” Je suppose que votre… compagnon ne se représentera pas.
    â€” Maintenant, je doute qu’il obtienne dix pour cent des voix.
    Â«Bien sûr, songea son interlocuteur, en s’exhibant avec sa maîtresse comme il le fait, il a ruiné toutes ses chances.»
    Ã‰lise rompit le silence installé entre eux en regardant Nadja:
    â€” Vous avez une très jolie fille, tout le portrait de sa mère.
    Puis elle enchaîna en s’adressant directement à la fillette: Tu as quel âge?
    â€” Douze ans, madame.
    â€” Oh! fit-elle, tu es déjà grande.
    La femme se tourna à demi pour faire face à Renaud et continua:
    â€” Ainsi, le jour où vous me recommandiez, sur le balcon de la maison paternelle, de quitter Québec pour accepter de travailler pour Ernest Lapointe, vous étiez sur le point de vous marier.
    Très précisément, lors de cette conversation, alors que l’homme décidait d’épouser une rousse très jeune et très désespérée, il voulait convaincre cette femme de chercher dans la politique un substitut à l’engagement amoureux qu’il lui refusait. Pour tous les deux, le souvenir de cette journée demeurait très vif.
    â€” En fait, je me suis marié dans les jours suivants.
    â€” La chose avait fait un certain bruit. Une fille venue on ne savait d’où, que personne ne se

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