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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Israélites.
    Après le passage de cette sombre parade, Nadja déclara à l’intention de ses parents:
    â€” Nous ne resterons pas à Sainte-Agathe jusqu’à la fin de l’été. Je n’aime plus cette région.
    â€” Les choses vont sans doute rentrer bientôt dans l’ordre, lui répondit son père, tentant de la rassurer.
    â€” Cela ne fait rien. Ces gens me font peur.
    Sa main cherchait celle de Renaud.
    La fillette n’était pas la seule à s’inquiéter:
    â€” Tu es toujours convaincu que la réunion de ce soir en vaut la peine? demanda Virginie.
    â€” Je t’assure, rien de bien dangereux ne sortira de cette assemblée. Le curé répétera ses âneries. Au pire, une pétition circulera, que je ne signerai pas, bien sûr. Mais il sera intéressant de voir se tenir une petite manifestation «populaire» afin de chauffer les esprits. Notre prélat a des prétentions pédagogiques.
    Pourquoi discuter? Au fond, n’était-ce pas la propension de son époux à enfourcher son cheval blanc pour redresser les choses qui l’avait séduite dès leur première rencontre en 1925? Tout de même, elle tenterait de le convaincre de prendre le revolver avec lui.
    Malgré l’atmosphère malsaine, le couple préférait encore la petite ville des Laurentides à un retour à Outremont. Cet antisémitisme aux allures un peu folklorique leur paraissait moins angoissant que le voisinage du Parti de l’Unité nationale. Car c’était dans une morgue de la métropole que Renaud avait contemplé la dépouille d’Alfred Côté.

    Ce fut peine perdue pour Virginie: l’avocat refusa absolument de se promener dans les rues avec une arme dans sa poche. Le Collège de Sainte-Agathe usurpait son titre: habituellement, le vocable désignait les établissements qui offraient le cours classique. Celui-là, tenu par les Frères du Sacré-Cœur, se limitait au cours primaire supérieur, en réalité une formation commerciale susceptible de préparer à des emplois de commis.
    L’édifice de briques rouges, rue Saint-Antoine, comptait quelques classes et les quartiers des frères enseignants. Au rez-de-chaussée se trouvait une salle de conférences pouvant difficilement contenir deux cents personnes. Sur l’estrade, à une extrémité de la pièce, étaient disposées une petite table et trois chaises. Dans la plus confortable, M gr Bazinet régnait sur l’assemblée, mais parce que sa mystérieuse indisposition ne lui laissait aucun répit, Jean-Baptiste Charland, son vicaire, présidait en fait les discussions.
    Le premier souci des personnes présentes avait été de choisir parmi elles un secrétaire. Le suffrage avait favorisé le président des anciens du collège. Renaud, physionomiste, se rappela l’avoir vu au premier rang des manifestants cet après-midi. En fait, il ne lui fallut pas bien longtemps pour constater que l’amicale des diplômés représentait au moins la moitié de l’assistance. M gr Bazinet trouvait dans ses rangs la cohorte des irréductibles, décidés à rendre Sainte-Agathe aux Canadiens français.
    Alors que le secrétaire entreprenait de faire le procès-verbal des débats, l’abbé Charland commença par donner la parole à l’assemblée.
    â€” Nous ne sommes plus chez nous, plaida quelqu’un.
    Que l’on regarde n’importe où, on voit l’un de ces affreux enfants avec des couettes de cheveux enroulées autour des oreilles, ou alors un horrible bonhomme habillé comme un épouvantail.
    Pendant de longues minutes, les interventions, toutes semblables, s’enchaînèrent. Quand le climat d’intolérance fut bien installé, un homme se leva, sortit de sa poche un bout de papier et commença:
    â€” Attendu que les Juifs, avec leur argent, achètent les meilleures propriétés…
    Â«Voilà une spontanéité très bien planifiée», songea Renaud.
    En fait, les déclarations antérieures avaient servi à réchauffer la salle. Sans doute les intervenants avaient-ils été désignés à l’avance par un quarteron de militants catholiques.
    â€” Il est proposé, conclut le bonhomme après quatre «Attendus» du même ordre, de

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