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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pianiste.
    â€” Il visait le visage… Il ne fait que reproduire le comportement des adultes, commenta son père.
    Ã€ en croire les différents journaux qui couvraient les événements de Sainte-Agathe, les lecteurs concluraient que Sarah Weinstein avait été la seule victime d’un acte de violence perpétré contre un Juif. Bien sûr, l’événement fit toutefois monter la tension d’un cran dans le gros village.

    Le retour à la maison fut plus tranquille. Renaud remarqua même un nombre plutôt imposant d’agents de la Police provinciale dans les rues. Depuis la manifestation ouvrière et les discours antisémites de M gr Bazinet, les forces de l’ordre et les journalistes gardaient un œil intéressé sur Sainte-Agathe. La rumeur voulait que le directeur de la police, le colonel Piuze, profitât du fait que sa résidence secondaire se trouvait dans la région pour surveiller lui-même la situation.
    Déjà, le curé et le maire avaient chacun eu droit à sa visite.
    Au retour du Castel-des-Monts, l’avocat avait invité les voisins et leur invitée à venir prendre l’apéritif sur la grande galerie qui faisait face au lac. Sarah Weinstein tenait un sac rempli de glaçons sur le dos de sa main gauche. Elle le soulevait régulièrement afin de voir si un bleu apparaissait et si ses jointures garderaient leur mobilité.
    â€” Vous savez que les compagnies d’assurances menacent de retirer la protection relative aux incendies aux maisons du village? demanda Bielfeld à Renaud.
    â€” Non, je ne savais pas. Tout cela à cause de ces excités?
    â€” Si quelqu’un se mettait en tête de mettre le feu aux maisons pour nous chasser…
    Les deux hommes discutaient à mi-voix afin de ne pas alarmer leurs compagnes.
    â€” Je ne pourrai pas rester ici la semaine prochaine, comme je viens de le faire. Une dizaine de jours de vacances, c’est le plus que je peux me permettre. Si je retourne à mon commerce lundi prochain, je crois qu’il vaudra mieux amener la famille avec moi. Sinon, je vais me torturer d’inquiétude.
    â€” Vous savez, je pourrai jeter un coup d’œil sur votre maison, proposa Renaud.
    â€” Mais vous-même, ne prévoyez-vous pas d’écourter un peu votre séjour?
    â€” Oui, sans doute. En même temps, je m’en voudrais de laisser ces gens me chasser. Puis ils vont sans doute se lasser assez vite de toute cette folie.
    Bielfeld vida son verre, refusa d’en prendre un autre. Après un moment, il baissa encore la voix d’un ton pour dire:
    â€” Sans doute s’agit-il de rumeurs germées dans des esprits inquiets, mais les gens de ma communauté parlent d’une grande manifestation nazie dans les rues de Sainte-Agathe dimanche prochain. Des boîtes remplies d’affiches portant des croix gammées auraient été acheminées jusqu’ici.
    â€” Cela explique sans doute la présence policière. Vous avez vu tous ces uniformes?
    â€” Et ceux qui portent des vêtements civils… compléta Bielfeld.
    Alors que son interlocuteur levait les sourcils pour exprimer sa surprise, le voisin continua:
    â€” Croyez-en un vendeur d’habits: personne ne s’habille aussi mal qu’un policier qui essaie de passer inaperçu. Alors les estivants mal vêtus qui errent dans les rues avec l’air de ne rien voir du paysage sont sans doute ici en mission de surveillance.
    L’avocat n’avait rien remarqué de tel, mais il voulait bien croire que les personnes susceptibles de devenir des victimes développaient un sixième sens quand il s’agissait de repérer les personnages les plus louches. Comme dans l’histoire les représentants du pouvoir avaient souvent été les tortionnaires zélés des Juifs, ceux-ci devaient savoir les reconnaître.
    Si les Bielfeld occupaient la maison sur la droite de celle des Daigle, un financier de langue anglaise se trouvait dans celle de gauche. Un homme efflanqué aux cheveux gris passa la tête au-dessus de la haie et, après quelques «Sir, sir» pour attirer l’attention de Renaud, il lui demanda en agitant une feuille de papier:
    â€” Cela vient tout juste d’arriver par la poste, mais je ne comprends rien…
    L’avocat alla le rejoindre, jeta un œil sur la lettre, expliqua à

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