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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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rageai-je.
    J’empoignai un chiffon que j’appuyai sur la coupure. Puis je me retournai vers Guy, qui souriait à pleines dents.
    —    Qu’avez-vous dit ?
    —    Que j’ai trouvé le document, confirma-t-il, manifestement très fier de lui-même.
    —    Vous l’avez sur vous ? m’enquis-je, conscient que le rasoir effilé que je tenais dans ma main droite ferait amplement l’affaire pour en finir avec lui.
    —    Non, pas encore.
    —    Expliquez-vous, sire, insistai-je en ravalant ma déception. Je ne suis qu’un soldat. Les paraboles me dépassent.
    Il se dirigea vers la table, où il se servit à manger. Visiblement, il prenait plaisir à retarder la révélation. Entre deux bouchées, il s’étira de nouveau et j’aperçus sur son cou des marques qui ne laissaient aucune place à l’équivoque. Il remarqua la direction de mon regard et m’adressa un sourire complice.
    —    Hier soir, au cours du repas chez le sieur Jehan, j’ai fait la connaissance d’un homme. Lambert de Thury, une relation de mon père.
    Je dissimulai avec peine le frisson d’alarme qui m’envahissait. Guiburge avait donc dit vrai. L’homme qu’elle avait mentionné se manifestait enfin. Je l’avais vu. Je savais désormais qui il était.
    —    Après notre, euh, rencontre, poursuivit Guy, il m’a informé qu’il était chargé de me remettre quelque chose pour mon père. Je dois le revoir ce soir après le repas pour en prendre livraison.
    —    Pourquoi ne pas vous avoir donné le document sur-le-champ ? demandai-je en contenant mon impatience.
    —    Je crains que les choses ne soient pas aussi simples. Avant mon départ, mon père m’a confié certains moyens afin de prouver mon identité. Une poignée de main particulière et un mot de passe que je dois échanger avant de pouvoir prendre charge du document. Lambert semblait beaucoup tenir à cette formalité. Il a dit que le paquet me serait remis dans le temple. J’ignore pourquoi il fait tous ces mystères, mais puisqu’il le faut.
    Je restai figé sur place. Il se trouvait un Ordre des Neuf à Gisors comme à Montségur. Les traditions étaient claires sur ce point et les instructions au Magister aussi. Il était donc normal qu’il existât un temple dans chaque forteresse. Cependant, comme il se devait, je ne connaissais ni son emplacement, ni ceux qui le fréquentaient. Les deux ordres existaient séparément et ignoraient tout l’un de l’autre. Mais les implications de ce que venait de déclarer Guy étaient immenses. Il affirmait que l’on prévoyait lui remettre la seconde part dans le temple. En existait-il un autre à Gisors, hormis celui des Neuf ? C’était peu probable. De même, Thury n’avait certainement pas utilisé ce terme pour désigner la chapelle. Or, s’il s’agissait du temple des Neuf, cela signifiait forcément que lui-même était membre de l’Ordre. Sinon, il n’en aurait pas connu l’existence. C’était là qu’on allait remettre la seconde part à l’émissaire de Montfort. Seules deux conclusions étaient possibles : soit Thury avait trahi les Neuf de Gisors, soit les Neuf de Gisors étaient passés en bloc du côté de l’ennemi. Je tentais désespérément d’envisager une autre explication, mais aucune n’était satisfaisante. La situation venait de se retourner contre moi. Si j’avais espéré trouver quelque secours auprès de nos frères du Nord, je devais désormais tenir pour acquis que tous ceux qui avaient prêté le même serment que moi étaient mes ennemis. Jusqu’à nouvel ordre, en tout cas, la méfiance était de mise.
    —    Je vois, dis-je en tentant de maîtriser le tremblement de ma voix.
    —    Je me plierai à cette petite cérémonie et, ce soir, tout sera réglé, dit Guy.
    Je le regardai manger de bon cœur. Il n’était qu’un innocent. Un simple pantin dans un jeu dont il ne connaissait ni l’ampleur ni les enjeux. Une proie prise sans même le savoir dans une complexe toile de trahison et de perfidie. En l’utilisant, son père ne croyait peut-être pas l’exposer au danger. Peut-être aussi s’en fichait-il.
    Guy termina son repas, avala d’un trait un plein gobelet de vin et se traîna vers sa paillasse.
    —    Maintenant, laisse-moi dormir un peu, Gontier. La nuit a été courte et. mouvementée. La prochaine s’annonce moins agréable, certes, mais tout aussi exigeante.
    —    Bien, sire.
    Son besoin de sommeil me

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