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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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convenait parfaitement, car la situation était pressante. Je ramassai ma capeline et sortis. En chemin, je réfléchis fiévreusement. La trahison des Neuf, si elle s’avérait, ne changeait rien à ma situation. Que Guy obtienne la seconde part dans l’intimité de l’alcôve des mains de son mignon ou qu’elle lui soit remise dans le temple par ceux qui avaient juré de la protéger, l’important demeurait pour moi de m’en emparer et de fuir.
    Je me rendis discrètement dans l’étable où mes compagnons avaient trouvé refuge. J’ouvris la porte, entrai, refermai et fis quelques pas. Je n’osais pas appeler, de crainte que quelqu’un d’autre soit sur place et me trouve suspect. Soudain, un bras puissant m’encercla le cou et serra. Je ne connaissais qu’un homme doté d’une pareille force.
    —    Ugolin. râlai-je en essayant vainement de me dégager. Lâche-moi. gros. bêta.
    La pression se relâcha et je respirai à nouveau.
    —    Désolé, fit le Minervois, contrit. Avec ton capuchon, je ne pouvais pas être certain que c’était toi.
    —    J’ai le crâne lisse comme une fesse de nonne et je gèle, bordel de Dieu. Je ne vais quand même pas porter mon heaume jour et nuit pour me garder au chaud.
    Jaume sortit de derrière la porte en rengainant sa dague et Pernelle émergea des ballots de foin où elle s’était cachée. Tous deux vinrent nous rejoindre.
    —    Le document sera remis à Montfort dès ce soir, annonçai-je.
    Je leur annonçai que le messager s’était enfin manifesté sous
    la forme de Lambert de Thury, puis relatai ce que j’avais appris. Ils furent aussi ébranlés que moi par la possibilité d’une trahison.
    —    Après Raynal, l’Ordre du Nord abriterait un traître, lui aussi ? gronda Jaume, les dents serrées, les poings fermés sur ses cuisses. N’y a-t-il donc plus rien de sacré ? Je ne peux pas y croire.
    —    C’est décevant, en effet, acquiesçai-je, mais ne sautons pas aux conclusions. Il existe peut-être une explication.
    —    Peut-être aussi est-ce l’Ordre en entier qui est passé à l’ennemi. Ce serait à en perdre confiance en l’humanité. soupira Pernelle.
    —    En tout cas, nous devrons être deux fois plus prudents, renchérit Ugolin. Si les Neuf sont contre nous, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne soient pas aussi dangereux.
    Je réfléchis en me frottant la barbe.
    —    Au fond, que les Neuf soient impliqués ou non, dis-je, nos plans demeurent inchangés. Le cas échéant, il ne servirait à rien de les affronter. Ils ne sont pas conscients de notre présence à Gisors. Assurons-nous que les choses restent ainsi. Nous devons demeurer dans l’ombre, prendre les documents à Guy dès qu’il les aura, puis l’occire et disparaître au plus vite avant qu’on nous mette la main au collet.
    —    N’oublie pas ta promesse, fit Jaume en désignant la dague qui pendait à sa ceinture.
    Le templier était un véritable loup. Lorsqu’il mordait dans quelque chose, rien ne pouvait le convaincre de lâcher prise.
    —    Je m’en souviens, ne crains rien. La nuit prochaine sera sa dernière.
    Nous nous entendîmes sur la marche à suivre. Les chevaux seraient sellés d’avance et les bagages faits en prévision d’un départ hâtif. Pernelle attendrait dans l’étable pendant que Jaume, Ugolin et moi monterions la garde. Dès que Guy de Montfort serait en possession du document, Jaume et moi le suivrions jusqu’à nos appartements. Là, je laisserais le templier compléter sa mission. Pendant ce temps, Ugolin irait rejoindre Pernelle et s’assurerait que, dès notre retour, tout soit prêt pour notre fuite. Il serait essentiel de prendre suffisamment d’avance pour ne pas être retrouvés par les poursuivants qui se lanceraient inévitablement à nos trousses dès qu’on trouverait le cadavre du fils Montfort et qu’on constaterait la disparition de sire Gontier et du document. Avec un peu de chance, et en comptant sur la familiarité d’Ugolin avec les routes du Sud, nous atteindrions Montségur sans coup férir.
    C’était le plan. Comme toujours, la destinée l’entendait autrement.
    Le soir venu, je laissai Montfort quitter notre appartement pour son repas quotidien en compagnie de sire Jehan et de ses invités. Une heure plus tard, je passai ma capeline à mon tour et sortis rejoindre Ugolin et Jaume qui, comme convenu, m’attendaient près de la Tour du Prisonnier.

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