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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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pas mourir tout. de suite. si c’est possible. La. Lumière divine peut. bien attendre. un peu. non ?
    —    Je ferai de mon mieux, gros bêta, répondit mon amie, forçant un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. Toi, aide-moi en te taisant et en te reposant.
    Ugolin hocha la tête en souriant faiblement, ferma les yeux et retomba aussitôt dans un sommeil profond. Un sommeil proche de la mort. Pernelle se releva et boitilla jusqu’à moi, l’air accablé.
    —    Il doit rester ici, déclara-t-elle.
    —    Je sais. Je demeurerai auprès de lui et je le soignerai. Tu n’as qu’à me dire comment.
    Elle désigna la cruche que je tenais toujours.
    —    Il n’y a pas grand-chose à faire. Il doit boire trois ou quatre grandes gorgées de saule toutes les heures pour faire diminuer un peu sa fièvre. Allume un feu et enveloppe-le dans des couvertures pour qu’il sue son mal. Il est jeune et fort comme un bœuf. Peut-être sera-t-il de ceux qui survivent.
    —    Rien d’autre ?
    —    Il est déjà trop tard pour te dire de ne pas le toucher. Je viendrai le voir aussi souvent que je pourrai. Surveille-le bien. Si la tache ne grandit pas et qu’aucune autre n’apparaît, nous saurons qu’il a une chance. Sinon, sa peau se corrompra et commencera à se détacher d’ici deux ou trois jours. Dans ce cas.
    Elle hésita avant de désigner Memento de la tête.
    —    Ugolin est ton ami. Je comprendrais si tu décidais d’abréger ses souffrances, souffla-t-elle en grimaçant comme si ses paroles avaient un goût amer. Il ne sert à rien de le laisser se consumer de l’intérieur.
    Puis elle sortit, me laissant seul avec mon patient. Moi qui n’avais fait que tuer, voilà que je me retrouvais en charge d’une vie. Je haussai les épaules et me rendis auprès d’Ugolin pour lui faire boire sa première lampée de saule.
    La semaine qui suivit se déroula dans un état de constante vigilance, le jour et la nuit se confondant en une succession indistincte d’heures entièrement consacrées au soin de mon ami. Je dormis à peine, luttant contre l’épuisement. Pernelle descendait l’examiner plusieurs fois par jour et, sans me rassurer, le bilan qu’elle dressait me donnait quelque espoir.
    —    Il n’est pas pire qu’hier, consentit-elle à dire, le troisième jour, après que je l’eus interrogée avec insistance.
    —    Mais pas mieux non plus, ajoutai-je en serrant les mâchoires pour retenir un bâillement.
    —    Non, il lutte de toutes ses forces.
    Elle me toisa d’un œil critique.
    —    Quant à toi, tu dois trouver le moyen de dormir un peu, sinon tu vas tomber à ton tour.
    —    Je dormirai lorsqu’il ira mieux, rétorquai-je un peu plus sèchement que je l’aurais voulu.
    —    Comme tu veux.
    La situation n’évolua pas davantage pendant les jours qui suivirent, la robuste constitution d’Ugolin résistant férocement à la maladie qui serait déjà venue à bout de moins fort que lui.
    Il s’accrochait, le plus souvent inconscient et délirant, mais retrouvait parfois assez de lucidité pour tenir de brèves conversations. Il faisait un effort pour parler de tout et de rien, niant l’état précaire dans lequel il se trouvait, trouvant même le courage de faire quelques blagues. C’est au cours d’un de ces épisodes que Pernelle se présenta pour son examen quotidien et qu’il formula la demande que je craignais d’entendre.
    —    Dame Pernelle. murmura-t-il, les yeux brillants de fièvre, mais tout à fait clairs. Donne-moi le consolamentum.
    Mon amie ne parut pas surprise, quoique profondément attristée. Elle baissa les yeux et soupira.
    —    Bien sûr, puisque tu le souhaites.
    Elle avait visiblement prévu ce moment, car elle fouilla dans les poches de sa jupe et en sortit une petite bible écornée. Elle l’ouvrit, la feuilleta jusqu’à ce qu’elle ait trouvé la page qu’elle cherchait, puis d’un signe de la tête elle m’invita à me joindre à la prière. Je fis non et reculai de quelques pas, anticipant ce qui m’attendait. Des yeux, Pernelle m’adressa un reproche puis haussa les épaules, résignée, et se concentra sur son ministère. Elle lut d’abord quelques passages de l’Évangile de Jean. Dès qu’elle entama le Benedicite, la cicatrice autour de mon cou s’enflamma, le feu de la damnation me brûlant la gorge et me privant de mon souffle. Vacillant, je reculai encore, mais les trois

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