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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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au-dessus du feu. Je m’approchai et elle releva la tête en m’apercevant. Les cernes sombres sous ses yeux trahissaient sa fatigue.
    —    Bonne nouvelle, m’annonça-t-elle avec ce sourire radieux qui la rendait presque belle. Le saule semble contrôler la fièvre des malades. J’ai espoir de pouvoir aider ceux qui n’en sont encore qu’au début du mal.
    —    Je suis heureux de l’entendre, car tu as un nouveau patient et, celui-là, tu ferais mieux de le sauver.
    —    Que se passe-t-il ? s’inquiéta-t-elle.
    —    C’est Ugolin. Je crois qu’il a attrapé le mal.
    —    Non. fit-elle en portant une main inquiète à sa bouche.
    À mesure que j’énumérais les symptômes, son visage se renfrogna. Elle hocha la tête dépitée.
    —    Le gros bêta ! Il a dû toucher le cadavre en l’enterrant, soupira-t-elle avec frustration. Je l’avais pourtant averti.
    Elle se leva d’un trait, l’air décidé, appela Estève d’un geste et lui désigna le contenu du chaudron.
    —    Toutes les heures, donnes-en une bonne rasade à tous les nouveaux malades, lui intima-t-elle. Assure-toi qu’ils boivent tout. Et fais-les suer le plus possible. Enveloppe-les dans toutes les couvertures que tu trouveras et garde-les près du feu.
    —    Oui, dame Liurada.
    Elle ramassa la cruche qui avait contenu le vinaigre, la remplit de la décoction de saule qui bouillonnait et la boucha. Puis elle se tourna vers moi.
    —    Allons voir Ugolin. Peut-être s’agit-il d’autre chose, dit-elle l’air de ne pas trop y croire.
    Nous quittâmes le camp de fortune et, sans prononcer la moindre parole, nous redescendîmes, anxieux, aussi vite que la jambe infirme de Pernelle nous le permettait. Je songeai à la soutenir, mais je savais fort bien que, par fierté, elle refuserait mon aide. Elle l’avait toujours fait. Comme chaque fois que je la voyais boiter ainsi, je repensais au fait que sa jambe avait été brisée par son propre père dans un accès de colère, alors qu’elle se débattait pour lui interdire l’accès à son féminage. J’éprouvais une admiration infinie pour cette pauvresse qui, dès l’enfance, n’avait connu que la souffrance et avait quand même surmonté ses misères pour devenir ce qu’elle était aujourd’hui : une femme sûre d’elle, de sa foi et de sa mission, qui se dévouait sans compter pour autrui.
    Dès que nous fûmes dans le village, je la menai à la maison où reposait Ugolin. Au passage, elle remarqua la maison incendiée, dont il ne restait que des ruines fumantes, et hocha la tête avec approbation.
    —    Il faudra continuer à brûler les morts à mesure qu’ils s’accumulent, remarqua-t-elle.
    Je hochai la tête sans rien dire. Elle remonta son mouchoir camphré sur son visage et j’en fis autant.
    —    Tu restes ici, déclara-t-elle sèchement en me mettant une main sur le bras.
    —    Je l’ai touché. Si j’avais à attraper la mort, c’est déjà fait.
    —    Tu es trop têtu pour ton propre bien ! s’insurgea-t-elle. Sottard !
    Elle me tendit sèchement la cruche, enfila ses gants et entra. Je la suivis. Ugolin n’avait pas bougé d’un poil depuis que je l’avais quitté. Il était toujours couché sur le ventre, en travers de la paillasse. Pernelle s’agenouilla près de lui, le saisit par l’épaule pour le retourner sur le dos et posa sa main gantée sur la poitrine massive.
    —    Il respire, constata-t-elle. C’est toujours ça de pris.
    D’un geste, elle déchira la chemise du Minervois pour mettre
    son torse à nu, puis l’examina attentivement.
    —    Sur le cou, du côté gauche, lui indiquai-je pour la guider. Il a une tache. Et il tousse à se cracher les viscères.
    Elle saisit Ugolin par le menton et fit basculer sa tête vers la droite. Puis elle fonça les sourcils.
    —    Mrrrmphhhh. grogna-t-elle.
    —    C’est ça ?
    —    J’en ai peur, oui.
    —    Tu peux le sauver ?
    Elle se retourna vers moi et me regarda en louchant. Ses yeux étaient luisants de larmes.
    —    Il n’en est qu’aux premiers symptômes. Je peux réduire sa fièvre. Ça l’aidera à combattre le mal. Pour le reste, Dieu seul sauve les siens, Gondemar. Je ne suis que son instrument.
    La grosse main du Minervois lui saisit l’avant-bras, la faisant sursauter.
    —    Bonne dame., dit-il d’une voix faible en posa sur elle un regard brillant de fièvre. Je préférerais. ne

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