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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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défendre son maître. Il se dirigea vers moi pour me frapper, mais son maître l’arrêta d’un simple geste.
    —    Du calme, Pierre, dit-il d’une voix sereine, mais lasse. Celui-là connaît la Vérité. Il aura sa place parmi les Justes s’il en a l’étoffe.
    Le disciple, dont je savais qu’il renierait trois fois son maître lorsque viendrait le temps de le défendre et de lui épargner le martyre, se rassit sans cesser de me guetter d’un regard sombre et méfiant. Sur la table se trouvaient une miche de pain et une cruche de vin. Ieschoua remplit un à un les gobelets de ses disciples, puis rompit le pain et leur en remit chacun un morceau.
    —    Mangez et buvez, mes amis ! s’exclama-t-il avec l’enthousiasme et le charisme d’un chef de guerre. Bientôt, la Judée se soulèvera et
    Rome, l’usurpatrice, en sera chassée ! Nous reprendrons les terres de nos pères et nous en ferons le royaume des Juifs ordonné par Dieu depuis Abraham et Moïse ! La Terre promise sera bientôt nôtre.
    Tous applaudirent, puis se mirent à manger et à boire en célébrant la victoire prochaine. Seul l’un d’eux, un petit homme à la barbe rare et à l’air renfrogné, semblait ne pas partager l’enthousiasme des autres. Ieschoua le remarqua.
    —    Alors, Judas ? Tu es bien sombre. Tu ne te réjouis pas avec tes frères ? Que se passe-t-il donc ?
    —    Rien, maître, répliqua l’autre en s’empressant de vider son verre.
    —    Un peu plus et je croirais que tu t’apprêtes à nous trahir, s’esclaffa Pierre.
    Les autres rirent de bon cœur, sans se douter que ce que venait de dire le disciple de Ieschoua était juste et que bientôt, tel que le révélait Pilatius Pontius dans la première part de la Vérité, Judas-Bar-Simon dit l’Ishkarioth, grassement soudoyé, trahirait son maître et l’enverrait tout droit au supplice.
    La scène changea soudain. J’étais dehors. Le soleil se levait et sa lumière éclairait à contre-jour trois hommes suspendus à une croix en forme de T. Leurs poignets avaient été cloués à la traverse et leurs pieds au poteau. Je levai les yeux et aperçus Ieschoua, au centre. Maculé de son urine et de ses excréments, il souffrait et tout courage semblait l’avoir quitté. De temps à autre, il levait les yeux vers le ciel, comme pour y trouver un peu de réconfort, et sa bouche 'ouvrait en un cri silencieux. Il avait du mal à respirer et sa poitrine se levait et s’abaissait rapidement, comme celle d’un animal blessé. Sur sa croix, on avait apposé une planchette qui disait : « Iesus Nazarenus, Rex Iudæorum ». On l’avait coiffé d’une couronne d’épines qui lui torturait la chair.
    Sous le coup de l’épuisement, son menton retomba sur sa poitrine. En quelques instants, la journée entière défila sous mes yeux. Par moments, Ieschoua hurlait de douleur. Puis il gémissait. Un centurion romain s’approcha et l’abreuva à l’aide d’une éponge piquée sur la pointe de sa lance. Le liquide fit grimacer le supplicié. Un soldat lui perça le côté avec sa lance et le sang jaillit de la plaie.
    Tout autour, une foule nombreuse criait sa colère et les légionnaires avaient fort à faire pour la contenir et l’empêcher de libérer le supplicié. Un soldat s’apprêta à briser les jambes de Ieschoua, mais le centurion l’arrêta.
    — Pas la peine, déclara-t-il, il est déjà mort.
    Puis vint le soir. De gros nuages noirs roulaient dans le ciel et semblaient avoir avalé le soleil. Un orage se leva et un vent fort se mit à souffler. Sous la pluie battante, je vis deux hommes qui négociaient ferme avec un homme à l’air grave et suffisant, vêtu d’une riche toge brodée de fil d’or. Les palabres durèrent longtemps. Les hommes finirent par s’éloigner avec force remerciements obséquieux. Ils se rendirent auprès de Ieschoua et le descendirent de sa croix, pendant que les deux autres suppliciés agonisaient toujours. Il fut étendu à terre. Des gens s’approchèrent dans la pénombre. Je reconnus quelques-uns des hommes et des femmes qui avaient assisté au repas. Ils s’accroupirent près de la dépouille de leur maître, l’enveloppèrent à la hâte dans un linceul blanc et l’emportèrent.
    Je me retrouvai dans un tombeau creusé à même le roc, qu’éclai-raient des lampes posées dans de petites niches aménagées dans les parois. Sur ces parois rugueuses, je pouvais encore apercevoir les traces des

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