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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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y avait la politesse et il y avait la familiarité. Ce que je venais de voir relevait de l’intimité. De l’affection, même. Que se passait-il donc ? Je ne pouvais m’imaginer que Pernelle avait trahi notre cause. Je la connaissais depuis trop longtemps pour mettre en doute sa droiture, elle avait même prouvé sa loyauté de sa personne. Et pourtant.
    L’âme noire, j’actionnai le mécanisme de ma senestre, les lames étant plus discrètes qu’une épée ou qu’une dague, éperon-nai Sauvage et me dirigeai lentement vers le moine. Bertrand de Montbard avait toujours possédé cette déconcertante faculté de se déplacer tel un fantôme sans qu’on l’aperçoive et, sans être aussi doué que lui, j’avais tout de même appris du maître en la matière. Je m’approchai donc avec discrétion en m’assurant de faire trotter doucement Sauvage et de le maintenir le plus longtemps possible dans un angle où le mystérieux moine ne pourrait l’apercevoir qu’à la dernière seconde.
    Après m’être assuré que personne aux alentours ne faisait attention à nous, je collai la poitrine de Sauvage contre la monture du religieux, lui coinçant la jambe entre les deux bêtes. Je l’empoignai par le capuchon pour lui appuyer mes lames sur la gorge. Le moine fut pris par surprise, mais se rattrapa aussitôt. Il passa une main dans sa bure et, d’un geste vif et fluide, en tira une dague qu’il m’appuya contre le ventre.
    —    Je crains fort que si tu persévères tu mourras avec moi, étranger, susurra une voix que je connaissais bien.
    Je me détendis aussitôt et souris tout en rétractant les lames dans mon gant.
    —    Jaume, espèce de bougre, ricanai-je. As-tu renié ta foi pour entrer dans les ordres ?
    Il se retourna vers moi et, sous son capuchon, son visage s’illumina d’un sourire franc et amusé. Sa dague disparut comme par magie.
    —    Gondemar, dit-il en inclinant légèrement la tête. Je suis heureux de te revoir. Et je suppose que je dois te remercier de m’avoir sauvé la vie.
    —    Non seulement tu allais la sacrifier pour peu de choses, mais en plus cela m’aurait causé un problème.
    —    Quant à ma vêture, c’était la meilleure manière de ne pas susciter la méfiance. C’est une idée de dame Pernelle.
    Je toisai mon amie, amusé.
    —    Mais où as-tu trouvé ce froc ?
    —    Il appartenait à un moine, évidemment.
    —    Vous l’avez laissé tout nu ? ricanai-je.
    —    Et raide mort, aussi.
    —    J’aurais dû m’en douter !
    —    Bof. Ça fait toujours un menteur de moins.
    J’éclatai de rire et lui abattis une claque sur l’épaule.
    —    Je suis heureux de te revoir vivant, même si je ne m’attendais pas à te retrouver ici.
    —    Et je suis bien aise de l’être. Te voilà pourvu de fort belles lames, dit-il en indiquant ma main gauche du menton.
    —    C’est une gracieuseté du feu sacré.
    Je lui narrai les mésaventures subies à Mondenard.
    —    À quelque chose malheur est bon ! Montre donc.
    Je secouai la main d’un coup sec pour libérer les lames de nouveau.
    —    Hmmm, fit-il admiratif. Tu as pensé à ça tout seul ?
    De peine et de misère, je dus retirer le gant étroit pour qu’il puisse examiner le mécanisme.
    —    Fort ingénieux, ma foi. À la première occasion, je m’en ferai fabriquer un pareil. Après tout, pas besoin d’être infirme pour l’utiliser.
    —    Et pour un disciple des Assassins de Terre sainte, j’imagine que ce serait pratique.
    Il me dévisagea, perplexe. Montbard m’avait parlé en long et en large des techniques des Assassins, que plusieurs templiers avaient apprises.
    —    J’ai compris en voyant la cordelette dans ta botte, lui expliquai-je.
    —    Je vois. Maintenant, pardieu, aurais-tu l’obligeance de m’instruire des raisons pour lesquelles tu m’as empêché d’occire ce fils de truie ? Ugolin et Pernelle m’ont raconté ce qu’ils pouvaient, mais je suis anxieux de connaître toute l’histoire.
    Sur l’entrefaite, Ugolin revint, les bras chargés d’un pain et d’un jambon.
    —    Te voilà, toi, dis-je avec amusement.
    —    Si je dois passer une vie entière prisonnier de la chair, il faut bien manger pour la garder en santé, commenta-t-il. Tu en veux ?
    —    Non, les hommes de Pierrepont sont fort bien nourris, dis-je, conscient des couleurs que je portais.
    Tout en trottant

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