L'Étreinte de Némésis
les gladiateurs, dit-il en se protégeant les yeux du soleil. De
nombreux duels ont déjà dû se dérouler. J’aperçois des mares de sang sur le
sable. Trois affrontements sont en cours : trois Thraces contre trois
Gaulois.
— Comment
peux-tu le savoir ? demanda Olympias.
— Les
Gaulois portent de longs boucliers incurvés et des glaives. Ils ont un torque
autour du cou et un casque à panache. Les Thraces luttent avec des boucliers
ronds et de longues épées courbes. Et ils ont des casques sans visière.
— Spartacus
est un Thrace, dis-je. C’est pour cela que Crassus, sans aucun doute, a choisi
des Thraces pour que la foule puisse décharger sa colère sur eux. S’ils
tombent, ces combattants n’ont à mon avis aucune pitié à attendre des
spectateurs.
— Un
Gaulois est à terre, dit Alexandros.
— Oui,
je le vois.
— Il
a jeté son glaive et levé son index pour demander grâce. Il a dû bien se
battre, parce que les spectateurs la lui accordent. Regarde comme ils agitent
leurs mouchoirs !
Le
Thrace aida le Gaulois à se relever et ils se dirigèrent ensemble vers la
sortie.
— Maintenant,
c’est un des Thraces qui tombe ! Il a une blessure à la jambe, qui saigne
abondamment sur le sable. Il plante son épée dans le sol et lève son index.
Un
chœur retentissant de sifflets et de huées envahit l’arène. Ces vociférations
sanguinaires pleines de haine me donnèrent la chair de poule. Les spectateurs n’agitaient
pas leurs mouchoirs, ils levaient tous le poing. Le Thrace vaincu s’appuyait
sur ses coudes et offrait sa poitrine nue. Le Gaulois mit un genou à terre,
prit son glaive à deux mains et le plongea dans le cœur de son adversaire.
Olympias
détourna le regard. Eco était fasciné. Alexandros semblait toujours aussi
résolu qu’à son départ de Cumes.
Le
Gaulois vainqueur fit un tour d’arène, le glaive levé, pour recevoir les
ovations. Le corps du Thrace fut emporté vers la sortie, laissant une longue
traînée de sang sur le sable.
Soudain
le dernier Thrace eut l’air d’abandonner. Il s’enfuit à toutes jambes. La foule
riait et huait. Le Gaulois le prit en chasse, mais le Thrace, refusant le
combat, avait une bonne avance. L’agitation gagna les gradins. Alors une
dizaine de gardes, peut-être plus, pénétrèrent dans l’enceinte. Certains
brandissaient des fouets, d’autres de longues barres de fer chauffées à blanc.
Ils encerclèrent le Thrace, le frappèrent aux bras et aux jambes. Le gladiateur
se tordait de douleur. A coups de fouet, ils le ramenèrent vers son adversaire.
Olympias
attrapa le bras nu d’Alexandros, enfonçant ses ongles dans la chair du jeune
homme.
— Ces
gens sont fous, tous. Et nous ne pouvons rien faire !
Alexandros
s’agitait. Il regardait le spectacle, les dents serrées. Il agrippait si fort
les rênes que ses bras commencèrent à trembler.
Dans
l’arène, le Thrace reprit finalement le combat. Il se précipita vers le Gaulois
en criant comme un fou. Le Gaulois surpris recula. Il s’emmêla les pieds et
tomba sur le flanc. Il eut juste le temps de se protéger avec son bouclier,
mais le Thrace était implacable, il frappait son bouclier contre celui de son
adversaire et lui assenait de grands coups d’épée. Le Gaulois était blessé. Il
jeta son glaive et leva l’index, pour demander pitié à son tour.
Un
grondement d’orage emplissait les gradins. Enfin, les poings levés commencèrent
à surpasser en nombre les petits carrés blancs. La foule se mit à taper du pied
et à scander :
— Tue-le !
Tue-le ! Tue-le !
Le
Thrace jeta son épée et son bouclier. Les gardes revinrent vers lui avec leurs
fouets et leurs barres de fer, l’obligeant à exécuter une ignoble danse. Il
ramassa son arme. Les gardiens le ramenèrent vers le Gaulois, dont les bras
étaient ensanglantés. Le vaincu se mit sur le ventre, pressa ses mains sur sa
visière et attendit. Le Thrace s’agenouilla et frappa le dos du Gaulois de son
épée. Encore et encore, au rythme du chant de la foule assoiffée de sang.
Le
gladiateur se releva et brandit son arme sanglante vers le ciel. Il commença
une étrange parodie de marche triomphale, levant les genoux de manière comique
et roulant la tête sur les épaules, par dérision. Une explosion de sifflets, de
huées et de rires lui répondit. À l’intérieur de l’arène, le bruit devait être
assourdissant. Une nouvelle fois, les gardes se précipitèrent sur lui
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