L'Étreinte de Némésis
avec
leurs fouets et leurs barres. Mais le gladiateur semblait ne plus ressentir la
douleur, et ce n’est qu’à contrecœur qu’il se laissa mener vers la sortie.
— As-tu
besoin d’en voir davantage, Alexandros ? chuchota Olympias d’une voix
rauque. Ces gens te mettront en pièces, avant qu’on ait le temps de parler !
Crassus leur donne exactement ce qu’ils attendent. Tu ne peux rien y faire.
Gordien non plus. Personne. Alors reviens avec moi à Curnes !
Je
voyais la peur dans ses yeux. Alors je me maudis. Pourquoi l’amener devant
Crassus, alors que le seul résultat possible serait une mort inutile de plus ?
Quel fou j’étais, pour croire que la seule preuve de sa culpabilité pourrait
faire plier Marcus Crassus ! Comme si la vérité pouvait l’empêcher d’offrir
à la foule la distraction sanguinaire qu’elle appelait de tous ses vœux… Je m’apprêtais
à renvoyer Olympias et Alexandros vers la grotte marine, quand les trompettes
sonnèrent dans l’arène.
Une
porte s’ouvrit sous les gradins. Les esclaves pénétrèrent dans l’enceinte. Dans
leurs mains, ils tenaient des objets de bois.
— Qu’est-ce
que c’est ? demandai-je en plissant les yeux. Qu’est-ce qu’ils tiennent
dans leurs mains ?
— De
petits glaives, murmura Alexandros. De courts glaives de bois, comme ceux que
les gladiateurs utilisent à l’entraînement. Des glaives de comédie. Des jouets.
La
foule retenait son souffle. Les huées et les sifflets s’étaient tus. Les
spectateurs regardaient, muets. Ils devaient se demander pourquoi un ramassis
de gens aussi pitoyables paradait devant eux. Mais ils étaient certainement
curieux de savoir quelle sorte de spectacle Crassus leur avait préparé.
A
l’extérieur, du côté est de l’arène, là où la foule ne pouvait pas encore le
voir, un contingent de soldats se tenait prêt. Leurs cuirasses rutilaient au
soleil. Parmi eux, j’aperçus des trompettes et des porte-étendards. Ils se
mirent en rangs, prêts à entrer dans l’arène. Je compris soudain et la nausée
me gagna.
— Le
petit Meto, murmurai-je. Le petit Meto, avec une épée de comédie pour se
défendre…
Mes
yeux rencontrèrent ceux d’Alexandros.
— Il
est trop tard, dis-je, pour prendre le sentier, puis la route de la vallée…
Le
jeune homme se mordit la lèvre.
— Alors
descendons tout droit !
— Trop
raide, protesta Olympias. Les chevaux vont trébucher et se rompre le cou.
Mais
Alexandros et moi avions déjà bondi par-dessus la crête. Eco nous talonnait.
Je
fonçai à bride abattue. A peine étions-nous dans la pente que ma monture bloqua
ses pattes avant et se mit à déraper. Elle rua de ses pattes arrière et frappa
le sol labouré par les sabots avant. Elle agita la tête et hennit.
La
descente à une folle allure déracinait des buissons et déclenchait des
avalanches de pierres et de sable. Soudain, un rocher à demi enterré surgit
devant moi. Dans un éclair, je vis Pluton lui-même avec son visage sombre qui
me regardait en grimaçant. Nous allions nous écraser contre la roche. Elle
arrivait sur nous. Vite ! Très vite ! Alors ma jument fit un grand
saut et bondit par-dessus l’obstacle.
Elle
atterrit avec une violence qui me brisa presque le cou. Ma monture ne put
rebloquer ses pattes avant et n’eut d’autre choix que de galoper à grande
vitesse vers le bas de la pente escarpée. Je me penchai en avant, m’accrochai à
son encolure et enfonçai mes talons dans ses flancs. Autour de moi, ce n’était
plus que vent et nuage de poussière. Je fermai les yeux, serrai l’animal de
toutes mes forces et respirai l’odeur de la terre déchiquetée, la sueur du
cheval.
Petit
à petit, la pente disparut. Emportés par notre élan, nous allions toujours à
une folle allure, mais, de nouveau, nous reprîmes le contrôle de nos montures.
Le monde retrouva forme. Le ciel redevint un ciel et la terre une terre. Je
plissai les yeux dans le vent et tirai sur les rênes. La jument secoua la tête
et hennit. On aurait cru qu’elle riait. Bientôt elle se mit au trot. La sueur
ruisselait de sa crinière.
Alexandros
était loin devant. Je me tournai et aperçus Eco tout proche. Je galopai en
direction de l’arène. Nous passâmes en trombe entre les tentes. Assis en
cercle, des soldats en tunique jouaient. Certains, nus jusqu’à la ceinture,
faisaient une partie de trigone. Ils profitaient de leur jour de congé. Ils s’écartèrent
devant
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