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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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récits. En effet il garde dans les harangues de ses personnages les mêmes qualités que dans ses plaidoyers, mais avec quelque chose de plus sobre, de plus concis, de plus ramassé.
    Il fait en outre des vers, dignes de ceux de Catulle, ou de Calvus, oui, réellement dignes de ceux de Catulle ou de Calvus. Que de grâce, de douceur, d’amertume, d’amour ! Il mêle parfois, mais à dessein, aux vers doux et faciles, quelques vers un peu durs, à l’imitation encore de Catulle ou de Calvus.
    Dernièrement il m’a lu des lettres, disant qu’elles étaient de sa femme. J’ai cru lire du Plaute ou du Térence en prose. Qu’elles soient de sa femme, ainsi qu’il l’affirme, ou de lui, ce qu’il nie, il mérite la même gloire, soit pour avoir écrit ces lettres admirables, soit pour avoir su donner à sa femme, qu’il a épousée, si jeune, tant de culture et de finesse.
    Aussi ne me quitte-t-il pas de tout le jour ; je le lis avant de composer, après avoir composé, quand je me délasse, et il ne me semble jamais le même. Faites-en autant, je vous y invite et vous le conseille. Faut-il que ses œuvres souffrent de ce que l’auteur est vivant ? Quoi ! s’il avait brillé dans un temps que nous n’eussions pas connu, nous rechercherions ses livres et même ses portraits ; et, parce qu’il vit au milieu de nous, nous laissons languir sa réputation et sa gloire, comme si nous en étions fatigués. Il est sot et injuste de ne pas admirer un homme si digne d’admiration, parce qu’on a le bonheur de le voir, de lui parler, de l’entendre, de l’embrasser, et non seulement de le louer, mais encore de l’aimer {30} . Adieu.
     
    XVII. – C. PLINE SALUE SON CHER CORNELIUS TITIANUS.
    La statue élevée à L. Silanus.
     
    Il reste encore aux hommes quelque souci de la fidélité et du dévouement ; on en voit qui tiennent le rôle d’amis même envers des morts. Titinius Capito a obtenu de notre empereur la permission d’élever sur le forum une statue à L. Silanus {31} . Il est beau et tout à fait digne d’éloges d’user de l’amitié du prince dans un tel but, et d’éprouver l’étendue de son crédit en honorant les autres. Capito s’est fait une habitude de glorifier les grands hommes. On ne saurait croire avec quelle vénération, avec quel amour il garde chez lui, ne pouvant les voir ailleurs, les portraits des Brutus, des Cassius, des Catons. Il pare aussi de très beaux vers la vie de nos hommes illustres ; croyez-moi, celui-là abonde en mérites de toute sorte, qui aime à ce point ceux d’autrui. L. Silanus a reçu l’honneur qui lui était dû et Capito, en lui assurant l’immortalité, a préparé la sienne propre. Il n’est pas en effet plus beau et plus glorieux d’avoir sa statue sur le forum du peuple romain que d’y en élever une à autrui. Adieu.
     
    XVIII. – C. PLINE SALUE SON CHER SUÉTONE.
    Le songe.
     
    Vous m’écrivez qu’épouvanté par un songe {32} , vous craignez quelque insuccès dans votre plaidoyer. Vous me priez de demander un délai et de vous excuser pour quelques jours ou du moins pour le lendemain. C’est difficile mais j’essayerai :
     
    Car c’est de Zeus que nous viennent les songes .
     
    Cependant il importe de savoir si d’ordinaire l’événement est conforme ou contraire à vos rêves. En me rappelant un des miens, il me semble que le vôtre, qui vous effraie, vous prédit un brillant plaidoyer. Je m’étais chargé de la cause de Junius Pastor, lorsque dans mon sommeil je crus voir ma belle-mère se jeter à mes genoux et me conjurer de ne pas plaider. Or je devais plaider tout jeune encore, je devais plaider devant les quatre tribunaux réunis, plaider contre les citoyens les plus puissants et même contre des amis de l’empereur. Une seule de ces circonstances risquait, après un songe de si mauvais augure, de me faire perdre la tête. Je plaidai néanmoins en me disant que : défendre sa patrie est le plus sûr des présages.
    Ma parole donnée était à mes yeux autant que la patrie, et même plus que la patrie, si c’est possible. Tout alla bien, si bien que cette cause même m’ouvrit et les oreilles des hommes et les portes de la renommée. Voyez donc si, d’après cet exemple, vous ne pourriez pas interpréter en bien votre songe ; si au contraire vous trouvez plus de sûreté dans ce conseil de la prudence : dans le doute, abstiens-toi, faites-le moi savoir. J’inventerai quelque détour et je plaiderai

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