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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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plaidoyer ne peut être un bon discours. Car le discours écrit est le modèle et comme le type du plaidoyer oral. Voilà pourquoi dans les meilleurs discours écrits, nous trouvons mille figures qui paraissent improvisées, même dans ceux que nous savons n’avoir jamais été prononcés. Ainsi dans les discours contre Verrès nous lisons : « Un artiste ? Lequel ? Qui donc ? Merci de me le rappeler ; c’est Polyclète, disait-on. » De tout cela il résulte que le plaidoyer parfait est celui qui se rapproche le plus du discours écrit, pourvu qu’on lui accorde le temps normal et nécessaire ; si on le lui refuse, ce n’est plus la faute de l’orateur, mais un tort très grand du juge.
    Les lois viennent à l’appui de mon opinion : elles concèdent avec générosité le temps le plus large, et recommandent aux orateurs non pas la brièveté, mais l’abondance, c’est-à-dire le soin de ne rien omettre ; or l’on ne peut s’en acquitter que dans les plus minimes causes, si l’on cherche la brièveté.
    J’ajouterai les leçons que je dois à l’expérience, le plus sûr des maîtres. J’ai plaidé bien des fois, bien des fois jugé, bien des fois assisté à des conseils ; les uns sont sensibles à une raison, les autres à une autre et très souvent de petites causes produisent de grands effets. La diversité des goûts et des sentiments est telle que les auditeurs d’un même plaidoyer portent souvent des jugements différents, quelquefois le même, mais pour des motifs différents. De plus chacun est fier de ce qu’il trouve lui-même et, si un autre apporte un argument, qu’on a aperçu avant lui, on le tient pour irrésistible. Il faut donc offrir à chacun une pensée qu’il puisse saisir, qu’il puisse reconnaître. Un jour que nous défendions le même client, Regulus et moi, il me dit : « Vous, vous croyez qu’il faut traiter minutieusement tous les points de la cause ; moi je vise aussitôt la gorge, et je la serre. » Il serre bien en effet la partie qu’il vise, mais il vise souvent mal. Je lui répondis : « Il peut arriver que vous preniez le genou, ou le talon pour la gorge. Moi, qui ne puis apercevoir la gorge, je tâte tout le corps, j’essaie tout, j’arme ma fronde de toute pierre. » Et comme dans les travaux des champs je soigne et fais valoir non seulement les vignes, mais aussi les vergers, non seulement les vergers, mais encore les terres labourables ; comme dans ces terres mêmes je ne sème pas que du blé ou du froment, mais de l’orge, des fèves, et toutes les autres légumineuses, ainsi dans ma cause, je répands à pleines mains pour ainsi dire des semences variées, afin de récolter celles qui auront levé. Car les dispositions des juges sont aussi impénétrables, aussi incertaines, aussi trompeuses que celles du temps ou des terres. Et je n’oublie pas cet éloge que le comique Eupolis fait du très grand orateur, Périclès :
     
    Sur ses lèvres siégeait, outre la véhémence,
    Le don le plus heureux de persuasion ;
    Et de son ascendant telle était la puissance,
    Que, seul, dans tous les cœurs il laissait l’aiguillon.
     
    Mais Périclès lui-même n’aurait exercé ni cette heureuse persuasion ni ce charme soit par la concision, soit par la brièveté, soit par les deux réunies, car elles sont différentes, s’il n’y eût joint une grande puissance d’invention. Car plaire et convaincre exigent de l’abondance et du temps, et laisser l’aiguillon dans les cœurs n’est réservé qu’à celui qui, non content de piquer, l’enfonce. Citons encore cette parole d’un autre comique au sujet du même Périclès :
     
    Il jetait des éclairs, il tonnait, il bouleversait la Grèce .
     
    Ce n’est pas en effet dans un discours amputé et rogné, mais dans une large, magnifique et sublime amplification que l’on peut tonner, lancer des éclairs, jeter partout le trouble et la confusion.
    Le mieux cependant est la juste mesure. Qui le nie ? Mais on manque aussi bien à cette mesure, si l’on reste au-dessous de son sujet que si on le dépasse, si l’on ne dit pas assez que si l’on dit trop. Aussi entend-on souvent reprocher aussi bien la sécheresse et la débilité que l’excès et la redondance. L’un, dit-on, a dépassé son sujet, l’autre ne l’a pas atteint. Tous deux pèchent également, mais l’un par faiblesse, l’autre par excès de force ; et cet excès témoigne non pas peut-être d’un talent

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