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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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d’éviter qu’une durée excessive des débats ne produisît un peu de lassitude et d’ennui chez les juges et que leur rigueur n’en fût énervée. Il ne restait d’ailleurs que des accusés de moindre importance, réservés à dessein pour ce moment, à l’exception toutefois de la femme de Classicus, contre laquelle on avait assez d’indices pour la soupçonner, mais pas assez de preuves pour la convaincre. Quant à sa fille, qui se trouvait aussi parmi les accusés, les soupçons mêmes étaient sans fondement. Aussi, quand, au terme de cette audience, j’en vins à son nom (comme il n’y avait plus lieu de craindre à la fin des débats comme au début de diminuer par là le poids de toute l’accusation) je crus de mon devoir de ne pas opprimer l’innocence et je le déclarai librement et sur tous les tons. Tantôt j’interrogeais les députés : m’avaient-ils apporté un fait qu’ils pussent se promettre de prouver contre elle ? tantôt je demandais conseil au sénat : pensait-il que je dusse, si j’avais quelque talent d’orateur, en menacer comme d’un poignard la gorge d’une innocente ? Je terminai toute la tirade par cette conclusion : « On dira peut-être : vous vous érigez donc en juge ? Non vraiment, je ne juge pas, mais je n’oublie pas que j’ai été choisi parmi des juges pour remplir le rôle d’avocat. »
    Telle a été la fin de cette vaste affaire : quelques acquittements, un plus grand nombre de condamnations, même quelques exils, les uns temporaires, les autres à perpétuité. Le même sénatus-consulte a pleinement rendu hommage à notre zèle, à notre conscience, à notre fermeté, seul prix digne et juste pour une si lourde tâche. Vous pouvez vous imaginer notre fatigue, après tant de plaidoiries, tant de discussions, tant de témoins à interroger, à encourager, à réfuter. Représentez-vous d’autre part la difficulté et l’ennui de résister à toutes les sollicitations secrètes des amis des accusés, de lutter contre leur opposition déclarée. Je veux vous citer une seule de mes répliques. Quelques-uns des juges eux-mêmes se récriaient contre moi en faveur d’un accusé fort en crédit : « Son innocence, m’écriai-je, ne sera pas diminuée, si je dis tout. »
    Imaginez d’après cet exemple quels combats, quelles inimitiés même j’ai dû affronter ; mais pour peu de temps, car la droiture blesse sur le moment ceux à qui elle résiste, mais ensuite elle recueille leur respect et leurs louanges. Je ne pouvais mieux vous rendre toute cette affaire présente.
    Vous direz : « Elle n’en valait pas la peine ; qu’ai-je besoin d’une si longue lettre ? » Alors ne me demandez pas sans cesse ce qui se passe à Rome ; et souvenez-vous qu’une lettre n’est pas longue, lorsqu’elle embrasse tant de journées, tant d’audiences, tant d’accusés et de causes enfin. Je crois vous avoir rapporté tout cela avec autant de brièveté que d’exactitude.
    J’ai dit trop vite : « Avec exactitude », car il me revient une circonstance que j’ai omise ; c’est un peu tard, cependant même hors de sa place, vous l’aurez. Homère en use ainsi et beaucoup d’autres à son exemple ; c’est du reste fort beau ; quant à moi je n’y ai pas mis cette adroite intention ; l’un des témoins, ou mécontent d’avoir été cité malgré lui, ou suborné par quelque prévenu, afin de désarmer l’accusation, se porta partie contre Norbanus Licinianus, l’un des députés de la province et commissaire enquêteur, prétendant que dans l’affaire de Casta (c’était la femme de Classicus) il s’était laissé acheter. La loi veut que l’on termine l’accusation principale avant de poursuivre la prévarication, parce que les débats mêmes de l’accusation sont le meilleur moyen d’apprécier la bonne foi de l’accusateur. Et pourtant Norbanus n’a été garanti ni par les dispositions de la loi, ni par son titre de député, ni par sa fonction de commissaire ; tant était violente l’indignation qu’avait allumée cet homme, un vrai scélérat d’ailleurs, qui avait profité des temps de Domitien ainsi que beaucoup d’autres, et avait été choisi par sa province comme commissaire non pour son honnêteté et sa conscience, mais à cause de sa haine contre Classicus, qui l’avait banni. Il demandait qu’on lui accordât un délai et que les chefs d’accusation lui fussent communiqués. Il n’obtint ni

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