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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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devant les centumvirs ; je n’ai pu gagner ma place que par l’estrade des juges et à travers leurs rangs {85} , tant l’assistance était serrée partout ailleurs. Bien mieux, un jeune homme élégant ayant eu sa tunique déchirée, comme cela arrive dans la foule, n’en resta pas moins, vêtu seulement de sa toge, pendant sept heures entières ; car je parlai tout ce temps avec beaucoup d’efforts, avec plus de succès encore. Travaillons donc et n’abritons pas notre paresse derrière celle d’autrui. Il ne manque pas d’auditeurs, il ne manque pas de lecteurs, c’est à nous de produire des œuvres dignes d’être écoutées, dignes d’être confiées aux livres. Adieu.
     
    XVII. – C. PLINE SALUE SON CHER CLUSINIUS GALLUS.
    La cause délicate.
     
    Vous m’offrez et vous me priez de prendre la défense de Corellie {86} , en ce moment absente, contre C. Cecilius, consul désigné. Je vous remercie de votre offre ; mais je me plains de votre prière. L’offre est nécessaire, pour que je sois informé ; mais la prière est de reste, pour me pousser à faire ce qu’il serait tout à fait honteux pour moi de négliger. Puis-je hésiter à défendre la fille de Corellius ? Il y a pourtant entre celui contre qui vous m’appelez à plaider et moi des liens non pas d’intimité, mais de quelque amitié. Ajoutez-y son rang élevé, et même la dignité pour laquelle il est désigné, et à laquelle je dois d’autant plus d’égards, que j’en ai été déjà revêtu ; car il est naturel de vouloir inspirer la plus haute estime pour les fonctions qu’on a remplies soi-même. Mais quand je songe que je vais prêter mon aide à la fille de Corellius, toutes ces considérations me paraissent froides et vaines.
    Je revois cet homme éminent, le plus sage, le plus vertueux, le plus fin que notre siècle ait produit. Mon attachement pour lui naquit de l’admiration et il arriva, contre l’ordinaire, que je l’admirai bien plus encore, quand je le connus plus à fond, car je l’ai connu à fond ; il ne me cachait rien, ni ses plaisirs, ni ses occupations sérieuses, ni ses tristesses, ni ses joies. J’étais encore tout jeune, pourtant il me témoignait déjà la considération, et même, j’oserais dire, les égards qu’il aurait eus pour un homme de son âge. Je n’ai brigué aucune dignité, qu’il ne m’ait donné sa voix et son témoignage ; à mon entrée en charge, il m’a toujours accompagné mêlé à mon cortège ; dans l’exercice de mes fonctions, il me conseillait et me guidait ; enfin dans toutes mes cérémonies officielles, c’est lui encore qui, malgré sa faiblesse et son grand âge, se faisait remarquer comme s’il eût été un homme jeune et vigoureux. Quel heureux appui il a été pour ma réputation soit dans le privé, soit dans l’opinion publique, soit même auprès du prince ! Un jour en effet que devant l’empereur Nerva la conversation était tombée sur les jeunes gens bien doués, et que la plupart me comblaient d’éloges, il garda un moment le silence, ce qui ajoutait tant de poids à ses paroles, puis avec cette gravité que vous lui connaissiez : « Je dois, dit-il, user de modération dans l’éloge de Secundus, car il ne fait rien que par mes conseils. » Par ces mots il m’accordait un honneur que la modestie ne m’aurait pas permis de souhaiter, celui de n’agir que selon la plus grande sagesse, puisque je suivais dans toute ma conduite les conseils de l’homme le plus sage. Bien plus, à son lit de mort, il dit à sa fille (c’est elle qui aime à le répéter) : « Je t’ai fait beaucoup d’amis dans ma longue existence, mais les meilleurs sont Secundus et Cornutus {87} . »
    À ces souvenirs, je comprends la nécessité de travailler, pour que je ne paraisse pas avoir trahi en rien cette confiance que le plus prévoyant des hommes avait placée en moi. Aussi assisterai-je Corellia avec le plus grand empressement, et ne reculerai-je pas devant les mécontentements à prévoir ; et pourtant j’ose espérer non seulement mon pardon, mais encore des éloges de mon adversaire lui-même, qui, dites-vous, hasarde ce procès d’un nouveau genre peut-être dans l’espoir d’avoir affaire seulement à une femme, lorsqu’il m’aura été donné d’exposer ces souvenirs dans mon plaidoyer, avec plus d’ampleur et d’abondance que n’en permettent les limites étroites d’une lettre, soit pour excuser ma conduite, soit même

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