Lettres - Tome I
qui prendraient peut-être peu de soin du bien d’autrui, seront certainement attentifs au leur et veilleront à ce que mon argent soit distribué selon la justice, s’ils doivent y joindre leurs propres deniers. Mettez-vous donc d’accord, unissez-vous, réglez votre courage sur le mien ; car je souhaite de tout cœur que ma contribution soit le plus considérable possible. Vous ne pouvez rien faire de plus convenable pour vos enfants, de plus agréable pour votre patrie. Élevons ici ceux qui naissent ici et accoutumons-les dès leur plus tendre enfance à aimer, à habiter leur pays natal. Et puissiez-vous y amener des maîtres assez illustres, pour que les cités voisines viennent y briguer leurs leçons, et, comme aujourd’hui vos enfants vont étudier chez les étrangers, puissent bientôt les étrangers accourir en foule chez nous ! »
J’ai jugé bon de remonter très haut et comme à la source, pour que vous sentiez mieux combien je vous serais reconnaissant si vous accueilliez ma requête. Or je vous demande et, en raison de l’importance de cette affaire, je vous prie instamment de rechercher, dans la foule des lettrés, qu’attire autour de vous l’admiration de votre talent, des maîtres, auxquels je puisse m’adresser, à cette condition cependant, de ne donner ma parole à personne. Je veux en effet conserver toute liberté aux parents ; à eux de juger, de choisir ; je ne me réserve que la peine et la dépense. Si donc il se trouve quelqu’un qui se fie à ses talents, qu’il aille se présenter là-bas, sachant bien qu’il n’emporte d’ici rien de plus que sa confiance en lui. Adieu.
XIV. – C. PLINE SALUE SON CHER PATERNUS.
Les hendécasyllabes de Pline.
C’est peut-être un discours que, selon votre habitude vous réclamez et attendez ; mais moi j’extrais comme d’un magasin de curiosités étrangères et raffinées, mes divertissements et je vous les envoie. Vous recevrez avec cette lettre mes hendécasyllabes {83} , que j’ai composés en voiture, au bain, à table, pour amuser mes loisirs. J’y ai mis des plaisanteries, de l’esprit, de l’amour, du chagrin, des plaintes, du dépit, des descriptions parfois sobres, parfois plus amples, et j’ai essayé à force de variété de plaire tantôt aux uns tantôt aux autres, et quelquefois peut-être à tous. Si par hasard vous y trouvez quelques endroits un peu plus libres, votre érudition saura bien se rappeler que les hommes éminents et graves, qui ont écrit dans ce genre, n’ont pas reculé devant la licence des sujets ni même devant la crudité de l’expression, que j’ai évitées moi, non que je sois plus austère (de quel droit ?), mais, parce que je suis plus timide. Nous savons d’ailleurs que la véritable règle de ces œuvres légères a été donnée par Catulle : « La réserve convient au poète vertueux dans sa vie, mais n’est point exigée de ses petits vers ; ils ne sauraient avoir ni piquant, ni grâce sans un peu de galanterie et de libertinage. »
Voyez quel prix j’attache à votre jugement ! J’ai préféré votre critique sur l’ensemble à vos éloges sur quelques poèmes choisis, et pourtant les pièces les plus agréables cessent de le paraître, quand on les rapproche d’autres semblables. De plus un lecteur d’esprit et de goût ne doit pas comparer des poésies de caractère différents, mais peser chaque pièce en soi, et ne pas juger inférieure à une autre celle qui est achevée en son genre.
Mais pourquoi m’étendre davantage ? chercher par un long préambule à excuser ou à recommander des sottises est la pire de toutes les sottises. Je crois seulement devoir vous prévenir, que j’ai songé à intituler ces bagatelles, hendécasyllabes, titre qui ne s’applique qu’à la mesure des vers. Vous pouvez donc les appeler épigrammes, idylles, églogues, ou, comme beaucoup le font, poèmes, ou de quelqu’autre nom que vous préférerez ; moi, je ne prends la responsabilité que de « hendécasyllabes ». Je demande seulement à votre franchise de me dire à moi sur mon recueil ce que vous en diriez à d’autres ; et je n’exige rien de bien difficile. Car si cet opuscule était ma meilleure ou ma seule production, il pourrait peut-être vous sembler dur de me dire « cherchez quelque autre occupation », mais la bienveillance et la bonté vous permettent de me dire « vous avez mieux à faire ». Adieu.
XV. – C. PLINE SALUE SON
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