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Lettres - Tome II

Lettres - Tome II

Titel: Lettres - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pline le Jeune
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– C. PLINE SALUE SON CHER RUFIN.
    Le testament de Domitius Tullus.
     
    Il n’est sûrement pas vrai, comme on le croit généralement, que le testament soit le miroir du caractère, puisque Domitius Tullus {54} vient de se montrer bien meilleur dans la mort que dans la vie. En effet, après s’être prêté aux captateurs, il a laissé son héritage à sa fille, qui était en même temps celle de son frère, car elle était née de son frère, et lui l’avait adoptée. Il a gratifié de legs nombreux et fort agréables ses petits-fils, il en a gratifié aussi son arrière petit-fils, bref toutes ses dispositions respirent l’amour de la famille et en sont d’autant plus surprenantes. On en parle donc très diversement dans toute la ville ; les uns le traitent de fourbe, d’ingrat, d’oublieux, et, en le déchirant, se trahissent eux-mêmes par de honteux aveux, puisqu’ils osent se plaindre d’un homme qui était père, grand-père, arrière-grand-père, comme s’il était sans enfants ; les autres au contraire le portent aux nues précisément pour avoir frustré les espérances malhonnêtes de gens, que nos mœurs actuelles aiment à voir duper ainsi. Ils ajoutent même qu’il n’a pas été libre de laisser un testament différent ; car il ne léguait pas, mais rendait à sa fille des richesses, qu’il avait acquises grâce à sa fille. Car Curtilius Mancia détestant son gendre Domitius Lucanus, (c’était le frère de Tullus), avait institué héritière la fille de Lucanus, sa propre petite-fille, à la condition que son père l’émancipât. Le père l’avait émancipée, l’oncle l’avait adoptée, et ainsi, éludant le testament, le frère, qui vivait en communauté de biens avec son frère, avait, par une adoption fictive, remis sous la puissance de celui-ci sa fille malgré son émancipation, avec de grandes richesses.
    D’ailleurs il semble que la destinée de ces frères ait été de s’enrichir contre le gré de ceux qui les ont enrichis. Voici une nouvelle preuve : Domitius Afer, qui les adopta, laissa un testament enregistré depuis dix-huit ans déjà et sur lequel il avait depuis si fort changé de sentiment, qu’il poursuivit la confiscation des biens de leur père. Dureté surprenante chez lui, car il chassa du nombre des citoyens celui avec qui il eut tout en commun même les enfants ; chance chez eux, car ils retrouvèrent un père dans celui qui leur avait enlevé leur père. Mais cet héritage d’Afer, ainsi que les autres biens acquis par les deux frères ensemble devaient passer à la fille de Lucanus qui avait institué Tullus son légataire universel au détriment de sa propre fille, pour concilier à celle-ci la bienveillance de son oncle. Aussi ce testament mérite-t-il d’autant plus de louanges, que la nature, la loyauté, la conscience l’ont dicté et qu’il fait enfin à chacun, selon son degré de parenté, selon ses droits, sa part, qu’il la fait même à la veuve du testateur. Elle a reçu de délicieuses villas, elle a reçu une grande somme d’argent ; il est vrai qu’elle fut la meilleure des épouses, la plus patiente et qu’elle a d’autant mieux mérité de son mari, qu’elle s’est plus exposée au blâme pour l’avoir épousé. Car cette femme de noble naissance, de mœurs éprouvées, sur le déclin de l’âge, veuve depuis longtemps, mère autrefois, semblait déchoir en acceptant pour mari un riche vieillard, si usé par la maladie qu’il aurait été un objet de dégoût même pour une femme qui l’aurait épousé jeune et plein de santé ; car estropié et paralysé de tous les membres, il ne parcourait ses immenses richesses que des yeux et ne pouvait bouger même dans son lit qu’avec l’aide d’autrui. On devait même, quelle humiliation, quelle pitié ! lui laver et brosser les dents. On l’entendit souvent dire lui-même, quand il déplorait les outrages de la maladie, que chaque jour il léchait les doigts de ses esclaves. Il vivait cependant et il voulait vivre, soutenu surtout par sa femme, qui, à force de dévouement, avait fait tourner à sa gloire la faute de cette union.
    Voilà tous les racontars de la ville ; car Tullus fait le sujet de tous les racontars. On attend les enchères. Il était en effet si riche, qu’ayant acheté de vastes jardins, il les peuplait le jour même de l’achat d’une foule de statues fort anciennes ; tant il avait de ces œuvres d’art magnifiques dans ses

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