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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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essaie de défendre, pour lui mais aussi pour tous, la liberté d’expression.
    Toutes ces manœuvres, dans l’ombre ou en pleine lumière, se font au nom de la démocratie, de la moralité, de Vive le Mexique   ! – on entend parfois aussi Vive le Christ Roi   ! Toute cette publicité que Diego ne recherche pas, dont il n’a cure, est la preuve de deux choses   : le travail, l’œuvre tout entière, l’indiscutable personnalité de Diego sont d’une importance telle que ceux dont il dévoile l’hypocrisie et les honteux projets arrivistes ne peuvent les ignorer   ; et l’état de faiblesse déplorable dans lequel se trouve un pays – semi-colonial – qui laisse se dérouler en 1949 ce qui n’aurait pu arriver qu’au Moyen Âge, sous la Sainte Inquisition, où à l’époque où Hitler dominait le monde.
    Pour reconnaître l’homme, le peintre merveilleux, le combattant courageux et le révolutionnaire intègre, ils attendent sa mort. Tant qu’il sera en vie, il y aura des « mâles », éduqués dans l’art de la calomnie, pour continuer à jeter des pierres sur sa maison, pour l’insulter anonymement ou par le biais de la presse de son propre pays, et il y en aura d’autres, encore plus « mâles », des bouches cousues , qui s’en laveront les mains et entreront dans l’histoire drapés dans la bannière de la prudence.
    On le dit aussi millionnaire… Voici l’unique vérité sur les millions de Diego   : étant artisan, et non prolétaire, il possède ses propres outils de production – ou de travail –, c’est-à-dire une maison dans laquelle il vit, les vêtements qu’il porte et une camionnette bien mal en point qui lui est aussi utile qu’une paire de ciseaux à un tailleur. Son trésor est une collection de merveilleuses sculptures, des joyaux de l’art indigène, le cœur vivant du Mexique vrai, acquises au long de trente années au moins, au prix d’ineffables sacrifices financiers, et qui prendront place dans le musée qu’il a commencé à construire il y a sept ans, fruit de son effort créateur et de son effort financier, en d’autres termes grâce à son merveilleux talent et grâce au prix que l’on paie pour ses peintures   ; il en fera don à son pays, léguant ainsi au Mexique la source de beauté la plus prodigieuse qui ait jamais existé, un cadeau pour les yeux des Mexicains qui en ont, et de quoi méduser le reste du monde. En dehors de ça, il ne possède rien d’autre que sa force de travail. L’an dernier, il n’avait pas assez d’argent pour sortir de l’hôpital, où il était entré pour une pneumonie, Encore convalescent, il s’est remis à peindre pour pouvoir payer les frais de la vie quotidienne et les salaires des ouvriers qui, comme au temps des compagnons de la Renaissance, collaborent avec lui pour bâtir l’œuvre magnifique du pedregal .
    Mais Diego ne change pas sous le coup des insultes et des attaques. Elles font partie des phénomènes sociaux d’un monde en décadence, rien de plus. La vie tout entière continue à l’intéresser et à l’émerveiller, car elle est changeante, et chaque chose le surprend par sa beauté, et rien ne le déçoit ni ne l’effraie car il connaît le mécanisme dialectique des phénomènes et des événements.
    En fin observateur, il a su mener à bien une expérience qui, alliée à sa connaissance – interne, dirai-je – des choses et à son intense culture, lui permet de remonter aux causes. Tel un chirurgien, il ouvre pour voir, pour découvrir au plus profond, bien caché, quelque chose de vrai, de positif, pour améliorer la condition et le fonctionnement des organismes. Voilà pourquoi Diego n’est ni défaitiste ni triste. Il est fondamentalement un bâtisseur et, surtout, un architecte. Il est un architecte dans sa peinture, dans sa façon de penser et dans son désir passionné de structurer une société anonyme, fonctionnelle et solide. Il compose avec des éléments précis, mathématiques. Peu importe si la composition est un tableau, une maison ou une argumentation. Ses fondations sont la réalité. La poésie contenue dans ses œuvres est celle des nombres, celle des sources vives de l’histoire. Ses lois, les lois physiques et fermes qui régissent la vie tout entière, depuis les atomes jusqu’aux soleils. Ses peintures murales sont la preuve magnifique du génial architecte qu’il est   ; elles s’assemblent et vivent avec la construction du bâtiment qui les

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