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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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simple une bonne fois pour toutes. Mais quand je me suis retrouvée à l’Hôpital américain, là, j’ai pu « aboyer » en anglais et leur expliquer ma situation, alors j’ai commencé à me sentir un peu mieux. Au moins je pouvais dire   : Pardon me I burped   ! (Tu parles, j’avais beau m’échiner j’étais incapable de burper. ) Ce n’est qu’au bout de quatre jours que j’ai eu le plaisir de lâcher mon premier burp et depuis ce jour béni je me sens mieux. La raison du soulèvement anarchiste dans mon ventre est que j’étais pleine de colibacilles et ces fumiers ont voulu passer outre les limites décentes de leur activité, alors ils ont eu l’idée d’aller faire la java dans ma vessie et dans mes reins, qui se sont mis à me brûler, parce qu’ils faisaient un foin de tous les diables et qu’ils ont failli m’envoyer à la défunterie. Bref, j’ai compté les jours en espérant que la fièvre allait disparaître, que je pourrais prendre un bateau et filer vite fait aux States , parce que, ici, personne ne comprenait ma situation et d’ailleurs tout le monde se fichait bien de moi… et, petit à petit, j’ai commencé à récupérer…
    Si vous saviez dans quel état sont les pauvres gens qui ont pu réchapper aux camps de concentration. Ça vous briserait le cœur. Manolo Martínez, le compagnon de Rebull (81) , est dans le coin. Il m’a raconté que Rebull était le seul à avoir dû rester de l’autre côté, pour ne pas abandonner sa femme moribonde   ; si ça se trouve, au moment où je vous écris, il a été fusillé, le pauvre. Ces sales Français se sont comportés comme des porcs avec tous les réfugiés   ; ce sont des salauds de la pire espèce que j’aie jamais connue. Je suis écœurée par tous ces Européens pourris, ces putains de « démocraties » ne valent pas un clou…
    Nous reparlerons longuement de tout ça. En attendant, sachez que vous me manquez beaucoup   ; que je vous aime de plus en plus   ; que j’ai été sage   ; que je n’ai pas eu d’aventures ou d’amants et que je n’ai pas fait la java ni quoi que ce soit dans le genre   ; que Mexico me manque plus que jamais   ; que j’adore Diego plus que ma propre vie   ; que de temps en temps Nick aussi me manque   ; que je suis en train de devenir quelqu’un de sérieux   ; et qu’en attendant de vous revoir je vous envoie des tas de baisers à tous les deux   : partagez-en quelques-uns équitablement avec Jay, Mack, Sheila et tous les copains.
    Et si vous avez un peu de temps, allez voir Nick et donnez-lui un bisou de ma part, et un autre à Mary Sklar.
    Votre chicua qui ne vous oublie pas.
    Frida
     
    Boitito, mon frangin, comment se porte le livre   ? Tu travailles beaucoup   ? Un ragot   : Diego s’est disputé avec la IV et il a sérieusement envoyé paître « barbichette » Trotski. Je vous raconterai les dessous de l’affaire.
    Diego a entièrement raison.

Lettre à Nickolas Muray (82)
    Coyoacán, 13 juin 1939
     
    Nick, mon chéri,
    J’ai reçu la superbe photo de moi que tu m’as envoyée. Je la trouve encore plus belle qu’à New York. Diego dit qu’elle est aussi magnifique qu’un Piero della Francesca. Pour moi, c’est bien plus que ça, c’est un trésor, et en plus, elle me rappellera toujours ce matin où nous avons pris notre petit déjeuner ensemble au Barbizon Plaza Drugstore, après quoi nous sommes allés à ton atelier prendre des photos. Celle-ci était l’une d’entre elles. À présent, je l’ai tout près de moi. Tu seras toujours à l’intérieur du châle magenta (sur le côté gauche). Des millions de mercis de me l’avoir envoyée.
    Quand j’ai reçu ta lettre, il y a quelques jours, je ne savais plus quoi faire. Sache que je n’ai pas pu retenir mes larmes. J’ai senti quelque chose en travers de ma gorge, comme si j’avais avalé la Terre entière. Je ne saurais dire si j’étais triste, jalouse ou en colère, mais la sensation que j’ai éprouvée m’a plongée dans le plus profond désespoir. J’ai lu et relu ta lettre à plusieurs reprises, trop, je crois, et je me rends compte à présent d’un certain nombre de choses que je n’avais pas perçues au début. Je comprends maintenant, tout est parfaitement clair et la seule chose que je veux te dire, du fond du cœur, c’est que tu mérites ce qu’il y a de mieux, car tu es une des rares personnes honnêtes avec elles-mêmes dans ce foutu monde, et c’est la seule

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