Lettres
Lupe, against la petíte Lupe , faisant de moi une « mamy » adoptive pour sa child adoptive. Je ne peux pas me plaindre car cette gamine est bonne comme Michel-Ange, elle s’adapte plus ou moins bien au caractère de son papa, mais on ne peut pas dire que ma vie soit très prometteuse, pour être franche. Parce que depuis 1929 jusqu’à l’année 1944 où je vous parle , jamais le couple Rivera n’a vécu sans au moins une accompagnatrice au sein de son foyer. Home, sweet home ! La seule chose qui ait changé, c’est la qualité de l’accompagnement : disons qu’elles étaient jusque-là plus enclines à l’amour mondain et voici venu le temps d’un amour plus filial. Si vous voyez ce que je veux dire.
Bon, camarades, j’y vais. Je vous ai plus ou moins fait le bilan de ma vie actuelle. J’espère recevoir – et plus vite que l’éclair ! – une réponse bien méritée à cette lettre si insolite, abrupte, hétérogène et presque surréalistoïde.
Votre fidèle et dévouée
doñ Frida, l’infortunée
Lettre au docteur Eloesser
24 juin 1944
(…) Je vais de plus en plus mal (…) Au début, ça a été la croix et la bannière pour m’habituer. Putain ce que c’est pénible d’avoir à supporter ces appareils, mais si tu savais à quel point j’allais mal avant qu’on me les mette… Je ne pouvais matériellement plus travailler, chaque mouvement, même insignifiant, m’épuisait. J’allais un peu mieux grâce au corset, mais là, je suis en pleine rechute et je perds espoir car visiblement rien ne peut soulager ma colonne. D’après les médecins, j’ai une inflammation des méninges, mais je ne comprends pas bien : si ma colonne doit être immobilisée pour éviter que les nerfs ne s’irritent, pourquoi ce foutu corset n’empêche pas les douleurs ?
Écoute, mon beau, quand tu viendras, au nom de ce que tu as de plus cher au monde, explique-moi le genre d’emmerdes que j’ai et dis-moi si ça peut être soulagé ou si je vais en crever de toute façon. Certains médecins insistent à nouveau pour m’opérer, mais je n’accepterai que si c’est toi qui le fais, si tant est qu’il faille le faire.
Message et carte postale pour Diego Rivera
Mon enfant adoré,
Cuquita m’a invitée à déjeuner à la campagne, je t’ai attendu jusqu’à midi mais tu ne m’as même pas téléphoné.
Je reviens vers six heures.
Le Blondinet m’a dit que tu avais invité Milagros à déjeuner. Dis-lui que je suis désolée de ne pas la voir, mais si elle n’a rien d’autre à faire, je la verrai à mon retour (à six heures).
S’il te plaît, laisse-moi le « blé » dans le premier tiroir de ta commode, sous tes chemises ou dans une enveloppe que tu remettras à Manolo ou au Blondinet. Merci beaucoup, j’espère te voir à mon retour. Je te verrai au moins dans la soirée, non ?
Je te confie, comme d’habitude, mon cœur et ma vie.
Ta chicuita,
Frida
*
13 novembre 1944, Coyoacán
Mon enfant adoré,
Tu sais comme je t’adore, comme j’aimerais que ce jour, comme tous les autres jours, soit le meilleur de tous.
Bois donc un verre de vin à ma santé.
Ta petite
Fisita
Lettre à Ruth Rivera Marín (116)
17 juin 1945
Ruth, ma toute belle,
Tiens donc ces boucles d’or pour tes jolies zoreilles. Chaque fois que tu les porteras, souviens-toi que là-bas, du côté de Coyoacán, il y a quelqu’un qui t’aime beaucoup, et pour trois raisons : un, être toi-même ; deux, être la fille de don Pelelico ; trois, être aussi jolie. Aucune des trois n’est de ta faute, et ce n’est pas ma faute non plus si je t’aime tant.
Ta
Frida
À propos d’un de mes tableaux et de comment, à partir d’une suggestion de José Domingo Lavín et d’une lecture de Freud, j’ai peint un tableau de Moïse (118)
Étant donné que c’est la première fois que j’essaie d’« expliquer » un de mes tableaux à un groupe de plus de trois personnes, vous voudrez bien me pardonner si je m’emmêle un peu les pinceaux.
Il y a plus ou moins deux ans, José Domingo m’a dit qu’il aimerait que je lise le Moïse de Freud et que je peigne, comme bon me semblerait, mon interprétation du livre.
Ce tableau est le résultat de cette petite conversation entre Juan Domingo et moi.
J’ai lu le livre une seule fois et j’ai commencé à peindre avec la première impression qu’il m’a laissée. Hier, je l’ai relu et je dois vous avouer que
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