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Lettres

Titel: Lettres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frida Kahlo
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problème, bien plus important aux yeux de Diego, et je me sens incapable d’y remédier.
    Comme vous le savez, après la peinture, ce qui l’enthousiasme le plus dans la vie, ce sont ses idoles . Depuis plus de quinze ans, il a travaillé d’arrache-pied et dépensé la plupart de ses gains pour constituer une magnifique collection de pièces archéologiques. Je ne crois pas qu’il existe une collection particulière plus importante au Mexique. Il a toujours nourri le projet de construire une « maison pour les idoles ». L’an dernier, il a déniché le lieu idéal pour cette maison, sur le pedregal de Coyoacán, dans un petit village nommé San Pablo Tepetlapa. Il a commencé à la bâtir avec les pierres du pedregal , économisant ainsi une grande quantité de matériau. Il a réalisé lui-même les plans, avec un amour difficile à vous décrire, travaillant des nuits entières, après avoir passé la journée à peindre. Croyez-moi, je n’ai jamais vu personne aussi enthousiaste et heureux de construire quelque chose. Je m’abstiendrai de vous décrire les plans en question, je préférerais qu’il vous les montre personnellement.
    Le problème est que, comme je vous le disais, les circonstances actuelles font qu’il n’a pas d’argent pour continuer. Je n’ai pas les mots pour vous dire ce que cela signifie pour Diego, je ne l’ai jamais vu aussi triste depuis que je le connais. Je voudrais l’aider du mieux que je peux pour qu’il ne perde pas complètement espoir, c’est si important pour lui. Alors, après avoir retourné ça mille fois dans ma tête, je me suis dit qu’il serait plus efficace que le gouvernement du Mexique s’intéresse à l’affaire. Il ne s’agirait pas d’une aide personnelle à Diego, loin de là, mais d’une espèce d’accord pour la constitution d’un musée archéologique avec la collection de Diego . En d’autres mots, une sorte d’échange   : le gouvernement construirait le bâtiment , en respectant bien sûr le projet de Diego, et lui, il ferait don de sa collection tout entière au pays après sa mort . Deux choses essentielles seraient ainsi résolues   : Diego profiterait de sa collection de son vivant et l’on éviterait qu’une collection de cette importance ne soit désintégrée ou dispersée, car vous savez ce qui arrive quand on laisse à la famille des biens d’une valeur inestimable   : ils finissent au marché de La Lagunilla.
    Je ne sais pas si mon idée est stupide ou complètement folle, j’ignore même ce qu’en penserait Diego, car je ne lui en ai rien dit. Et, surtout, n’allez pas imaginer que mon désir de l’aider est une simple affaire sentimentale. Croyez-moi, Marte, cette affaire me préoccupe vraiment, car je sais la place que cela tient dans sa vie. Je voudrais juste vous demander de m’orienter, de me dire s’il y a là une possibilité sérieuse, si vous jugez pertinent de lui en parler. Si vous pensez que mon idée est bonne, puisque vous avez eu la gentillesse d’accepter de venir déjeuner ou dîner à la maison un de ces jours, nous pourrions en profiter pour lui en parler, comme une suggestion, pour voir un peu sa réaction. Dans le cas contraire, je vous prie de ne jamais lui dire que je vous ai parlé de ça, car il penserait que je me mêle de ce qui ne me regarde pas.
    Veuillez m’excuser de vous avoir dérangé avec cette affaire qui n’est après tout qu’un problème personnel, mais je suis rassurée car je sais que vous appréciez Diego et que vous comprendrez la tendresse que j’éprouve à son égard, l’intérêt que je porte à tout ce qui le concerne   ; c’est la seule raison qui me pousse à oser vous embêter avec cette lettre. Naturellement, tout ce que je vous raconte n’est qu’une idée qui m’est passée par la tête, je ne sais même pas si je vous l’ai correctement exposée, j’imagine que les choses seraient plus compliquées si cela devait se faire, mais il suffirait alors d’entrer dans les détails avec Diego. Cela dit, j’aimerais que vous me disiez ce que globalement vous en pensez, en toute confiance. Je ne voudrais pas voir Diego souffrir de n’avoir pas ce qu’il mérite tellement, car ce qu’il demande n’est rien comparé à ce qu’il a donné. En plus, je crois que le Mexique gagnerait à avoir un musée de cet acabit.
    D’avance je vous remercie, Marte, de me donner votre avis. J’appellerai Hilda dans le courant de la semaine pour fixer la date du

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