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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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doute : des brigands venaient d’attaquer la ferme.
    Mais où étaient les habitants ? Je craignais le pire. Pourvu que nous ne retrouvions pas que des cadavres !
    J’envoyai mes hommes fouiller la grange, l’écurie, les alentours. Burrus et moi parcourions la maison.
    J’arrivai dans la chambre principale, celle de Yoseph et son épouse. Tout avait été mis sens dessus dessous mais il n’y avait pas de traces de sang. En regardant le lit, mes yeux s’écarquillèrent. Au milieu des draps froissés était répandu le contenu d’un coffre, bijoux, bagues, bracelets, pièces d’or…
    Comment expliquer cela ?
    Des voleurs étaient donc venus chez Yoseph et n’avaient rien pris ? Ils auraient laissé une fortune derrière eux, au mépris des risques encourus, des coups donnés ? Mais que cherchaient-ils donc ? Autre chose ?
    — La cave ! Il faut aller dans la cave !
    Burrus me suivit sans comprendre. Lorsque nous nous approchâmes de la lourde porte basse, j’entendis les gémissements et je sus que j’avais raison : tous les gens de la ferme, femmes, hommes, enfants, vieillards, étaient là, ligotés, bâillonnés au milieu des hautes jarres et des cuves.
    Je défis moi-même les liens de Yoseph et je le soutins pour remonter au jour. Il a un de ces visages dont les rides franches et précises, en soleil autour des yeux pâles et bleus, résument l’honnêteté d’une vie. Tout y est harmonie. Seuls les sourcils exubérants témoignent d’un peu de fantaisie.
    — Yoseph qu’est-il arrivé ?
    — Des hommes sont venus. Ils recherchaient le cadavre.
    Il se tourna vers moi et eut un petit sourire ironique.
    — Ils ont fait le même raisonnement que toi.
    — Qui était-ce ?
    — Ils étaient masqués.
    Je compris ce que Yoseph me signifiait par là : si les hommes étaient masqués, c’est qu’ils pouvaient être reconnus de Yoseph ; si Yoseph pouvait les reconnaître, c’est qu’ils étaient de Jérusalem. Et qui, à Jérusalem, voulait récupérer le cadavre pour empêcher tout culte posthume gênant, sinon les hommes du sanhédrin ?
    Je murmurai, pensif :
    — Caïphe ?
    Yoseph d’Arimathie ne répondit pas, seule manière honorable pour un Juif de livrer un secret à un Romain.
    — Est-ce que Caïphe est reparti bredouille ?
    Yoseph d’Arimathie me fixa longuement.
    — Oui ! Et si tu ne me crois pas, va donc lui demander. Vous m’avez tous les deux prêté des intentions que je n’ai jamais eues. Fort heureusement d’ailleurs. Car je suis ravi de voir, sans avoir levé le petit doigt, la tournure que prennent les événements… Maintenant, il ne nous reste plus qu’à attendre.
    — Attendre quoi ?
    — La confirmation que le corps a bien été volé. Il va falloir que Caïphe et toi vous le prouviez.
    — Nous n’avons pas à prouver qu’un cadavre qui disparaît est un cadavre volé : c’est l’évidence.
    — De moins en moins ! Et j’ai peur pour toi que, chaque jour qui passe, l’évidence ne s’appelle l’ange Gabriel.
    Nous étions dans la cuisine ombreuse, les aromates pendaient des poutres, trois poulets aussi qui attendaient d’être plumés. Les femmes s’agitaient autour d’un domestique, un valet grand et maigre, qui avait été blessé lorsqu’il s’était opposé aux hommes masqués.
    — Yéchoua n’était pas un homme ordinaire, reprit Yoseph. Sa vie ne fut pas ordinaire. Sa mort ne le sera pas non plus.
    — Pourquoi as-tu voté sa mort si tu penses du bien de lui ?
    Yoseph s’assit et se frotta le front. Il s’était posé mille fois la question que je lui adressais. Il nous servit du vin.
    — Pour Caïphe, notre grand prêtre, les choses sont toujours simples. Il voit clairement le bien et le mal. Là où un esprit ordinaire hésite, lui tranche. C’est en cela qu’il mérite d’être un chef. Pour moi, les choses sont toujours plus complexes. Yéchoua m’intéressait, me troublait. J’étais impressionné par ses miracles, quoique lui-même les détestât. Caïphe avait pris Yéchoua en grippe, il lui reprochait de blasphémer, et, ce qui est plus grave, de blasphémer en se faisant applaudir par le peuple. Tout ce que disait Yéchoua n’était pas contre nos livres, mais Caïphe percevait en Yéchoua un danger pour l’institution du Temple. Il ne faisait pas de nuances pour le condamner énergiquement.
    — Alors tu as obéi à Caïphe lors du procès ?
    — Non, j’ai obéi à

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