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L'expédition

L'expédition

Titel: L'expédition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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s’appliquant à l’aisance mondaine il prit au bras son visiteur, l’entraîna au travers de la cour, dit encore :
    — Je dois à l’instant rejoindre monseigneur le comte Raymond au couvent des hospitaliers. Venez donc avec moi, nous parlerons en route.
    Il se tourna vers les sergents qui les suivaient, leur ordonna que l’on amène son cheval. Son geste fut brusque et sa voix étrangement hargneuse. Sous l’arche du portail il fit halte, jeta un coup d’œil à la ruelle, et tout de go revenu à son enjouement de bonne compagnie :
    — Êtes-vous donc à pied ? Voilà qui n’est pas raisonnable. La ville pue à hauteur d’homme, ne trouvez-vous pas ? Allons, mes écuries sont suffisamment fournies pour que je n’aie point à vous laisser trotter à mes trousses.
    Jourdain retint autant qu’il put son humeur rechignée par les insaisissables manières de cet aristocrate décidément trop déroutant pour s’accorder aussi peu que ce fût à sa propre nature. D’Alfaro, tout à coup absorbé, se prit à épousseter les poignets de ses gants. Il le fit avec un soin si méticuleux que son compagnon, à le voir ainsi s’appliquer, sourit et s’étonna. Tandis qu’il l’observait, l’œil arrondi :
    — Il paraît, messire du Villar, que vous tenez en grande estime les croyants hérétiques qui peuplent nos pauvres terres d’Ariège, dit l’autre sans cesser son minutieux ouvrage. Est-ce donc pour leur salut que vous avez fait ce dangereux voyage jusqu’à mon château d’Avignonet ?
    — J’ai suivi mes amis, lui répondit Jourdain, tout soudain circonspect.
    Puis, prudent pis qu’un chat sur un chemin mouillé :
    — Il est vrai que m’importent les gens de Montségur, et les souffrances qu’endurent ceux qui les aiment. Vous désirez aussi, je crois, que leur soit fait du bien.
    D’Alfaro releva la tête. Il lui sourit avec une amitié presque enfantine, le prit aux épaules. Les chevaux tenus en bride par les sergents battirent bruyamment, près d’eux, le pavement.
    — Vous êtes un homme de grande force et de belle droiture, dit-il. J’envie cela, moi qui me sens de si mauvaise graine. Suivez-moi donc, messire Jourdain. Je suis sûr que je vais prendre plaisir à vous remettre sur la bonne route.
     
    Sans souci de la remuante piétaille des rues que les deux soldats devant eux écartaient à grands coups d’étrier et rudoiements bravaches, ils parvinrent bientôt à la courbe de la Garonne où était la blanche église de la Dalbade. Sous les statues de son portail que d’ondoyants reflets d’eau ensoleillaient ils mirent pied à terre, confièrent les chevaux à la garde de leurs sergents, contournèrent l’angle de la façade et s’engagèrent, le long de la muraille armée de contreforts, dans la venelle qui menait à l’enclos des hospitaliers de Saint-Jean. Franchi l’arceau d’une poterne herbue ils pénétrèrent dans le cimetière du couvent. Parmi les buissons d’églantiers foisonnants d’abeilles et d’oiselets ils traversèrent ce court espace semblable à une miniature d’heureux jardin jusqu’à l’orme près de l’hospice où des hommes d’armes et des moines devisaient et partageaient leur pain et se passaient des gourdes. Tous se turent et se raidirent quand d’Alfaro, le pas nerveux et la cape mouvante, éventa leur assemblée. Il entraîna Jourdain vers la porte de l’austère maison. Quelques degrés de bois grimpaient jusqu’à son seuil. Au-dessous de cette échelle courte était une ouverture d’où montaient des relents de cave.
    L’échine ployée, ils s’enfoncèrent prudemment dans ces profondeurs noires par un colimaçon fort étroit, jusqu’à distinguer les parois d’une crypte où bougeaient, sous le plafond voûté, des lueurs rousses. Deux écuyers immobiles à l’entrée de ce lieu tenaient haut des flammes de torches. À quelques marches au-dessus de ces feux Jourdain se vit d’un geste imposer une halte. Il découvrit alors sur qui veillaient ces ombres.
     
    Dans la vague clarté que cernaient les ténèbres un homme était agenouillé devant un long bahut où gisait une forme roide. D’Alfaro se tournant à demi ordonna à son compagnon de demeurer où il était, puis le pas allégé il descendit jusqu’au sol du sépulcre et prit son flambeau à l’un des gardes. Il s’avança sur la terre battue avec sa lumière fumante. Alors apparurent le manteau de soie bleue qui couvrait le dos courbe de cet homme

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