L'hérétique
rejoindre les arbres proches où, enfin, ils purent
jeter leurs cliquettes, enlever leurs robes grises nauséabondes et récupérer
l’arc et les flèches. Chassés du monastère, les vrais lépreux les regardèrent,
interloqués. Thomas plongea sa main dans la bourse que messire Guillaume lui
avait donnée et jeta une poignée de pièces sur l’herbe.
— Vous ne nous avez pas vus ! leur cria-t-il.
Geneviève leur répéta ces mots dans le dialecte local.
Le couple s’éloigna rapidement vers l’ouest.
Progressivement, ils sortaient du brouillard, mais
veillaient à rester tant qu’ils pouvaient sous le couvert des arbres. Bientôt,
le bois s’arrêta et ils n’eurent plus devant eux qu’une pente rocheuse
s’élevant vers la crête.
Ils la gravirent en s’efforçant de se dissimuler le plus
possible dans les rochers ou les ravines. Derrière eux, le brouillard se
dissipait lentement, laissant apparaître le fond de la vallée. Ils reconnurent
d’abord le toit de l’abbatiale de Saint-Sever, puis les autres toits de
l’abbaye se découpèrent, les uns après les autres. Au milieu de la matinée,
tout le monastère était redevenu visible.
Thomas et Geneviève avaient déjà dépassé le sommet de la
crête et obliqué vers le sud. S’ils avaient continué vers l’ouest, ils seraient
redescendus dans la vallée du Gers, où les villages étaient nombreux et
proches, alors que le sud était une région plus déserte et sauvage. C’est donc
dans cette direction qu’ils orientèrent leur pas.
À midi, ils s’arrêtèrent pour se reposer.
— Nous n’avons rien à manger, dit Thomas.
— Alors, nous allons continuer le ventre vide.
La jeune femme sourit à son compagnon.
— Et où allons-nous ?
— À Castillon d’Arbizon.
— On retourne là-bas ?
Geneviève ne put masquer sa surprise.
— Mais ils nous ont jetés dehors… Pourquoi nous
reprendraient-ils ?
— Parce qu’ils ont besoin de nous, indiqua Thomas.
En réalité, il n’en savait rien, ou tout au moins il n’en
était pas certain. Cependant, en écoutant Vexille parler à Planchard, il avait
appris qu’une partie de la garnison avait rejoint le comte de Bérat. Il
supposait que Robbie dirigeait ce groupe. Quant à messire Guillaume, il ne
pouvait imaginer que le Normand ait pu rompre son serment d’allégeance envers
le comte de Northampton. Robbie n’avait, lui, aucune allégeance en dehors de
l’Écosse.
Thomas présumait que les hommes qui étaient restés à
Castillon d’Arbizon étaient les siens, les Anglais qu’il avait lui-même
recrutés devant Calais. Il allait donc tenter de regagner le château. Et s’il
découvrait qu’il était tombé et que la garnison était morte, il continuerait sa
route, toujours plus à l’ouest, jusqu’aux possessions anglaises.
Pour l’instant, il ne s’agissait pas d’aller dans cette
direction, mais de marcher vers le sud. C’était là seulement que de grands bois
déserts s’étiraient le long des crêtes et des contreforts. En ramassant ses
bagages, la boîte du Graal tomba du sac plein de têtes de flèches et de cordes
de rechange dans lequel il l’avait glissée. Il se rassit et ramassa le coffret.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Geneviève.
— Planchard croyait que c’était la boîte qui avait
contenu le Graal. Ou peut-être était-ce celle censée faire croire aux hommes
qu’elle l’avait contenu.
Il regarda les inscriptions, passablement effacées. Maintenant
qu’il pouvait correctement observer l’objet à la lumière du soleil, il
constatait que le lettrage avait été rouge et que, là où la peinture avait été
frottée, on discernait encore de faibles marques sur le bois. À l’intérieur, on
notait une autre marque, encore plus subtile : un cercle de poussière qui
s’était imprimé dans le bois. Comme si quelque chose était resté posé dessus
pendant longtemps. Les deux charnières de fer étaient rouillées et fragiles.
Quant au bois, il était si sec qu’il ne pesait presque rien.
— Ce que tu dis, c’est la réalité ? demanda
Geneviève.
— Oui. Mais je ne sais pas si ce coffret a jamais
renfermé le Graal.
« Je ne sais pas »… Combien de fois avait-il
prononcé ces quatre mots en parlant du Graal !
Pourtant maintenant, après la nuit dans l’ossuaire, il en
savait davantage. Il avait appris que sept hommes s’étaient enfuis d’Astarac au
cours du siècle précédent, quand les forces
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