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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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âme, maugréa le
prêtre d’un ton acerbe.
    — Il n’a pas d’âme. C’est un soldat.
    — Un soldat de tournoi, rectifia l’autre avec mépris.
    L’oncle de l’intéressé haussa les épaules.
    — La richesse ne suffit pas, mon père. Un homme doit
aussi être fort, et Joscelyn est mon bras armé.
    Le comte avait mis beaucoup de conviction dans sa voix, mais
à dire vrai il était loin d’être certain que son neveu ferait un bon héritier
pour Bérat. Seulement, s’il mourait sans fils, le fief devrait passer à l’un de
ses neveux, et Joscelyn était probablement le moins mauvais d’une bien triste
lignée. Ce qui rendait d’autant plus important pour le vieil homme d’avoir un
fils.
    — Je t’ai demandé de venir ici…
    Il avait sciemment utilisé le mot « demandé »
plutôt qu’« ordonné ».
    — Je t’ai demandé de venir ici, parce que tu es
susceptible d’avoir quelque idée des motifs expliquant l’intérêt soudain de Son
Éminence.
    Le frère regarda de nouveau la lettre du cardinal.
    — Il parle de « titres »…
    — J’avais aussi noté le mot, avoua le comte.
    Roubert s’éloigna de la fenêtre ouverte.
    — Tu crées un courant d’air, Roubert.
    À contrecœur, le dominicain referma le panneau vitré. Il
savait que le presque vieillard avait déduit de ses lectures qu’un homme devait
rester chaud pour être fécond. Quand il y pensait, le religieux ne manquait
jamais de se demander comment faisaient les peuples du Nord pour se reproduire.
    — Il faut croire que le cardinal ne s’intéresse pas à
vos livres, considéra le jeune ecclésiastique, mais seulement aux registres du
comté, semble-t-il.
    — Oui, c’est ce qui semble. Frère Jérôme va adorer
déchiffrer deux cents ans de registres fiscaux, ricana Bérat.
    Pendant un moment, le moine demeura silencieux. Le neveu du
comte et ses camarades continuaient de s’entraîner dans la cour. Le bruit des
armes s’entrechoquant se répercutait contre le mur d’enceinte du château.
    Si le seigneur Joscelyn hérite du fief, songea le religieux,
tous les livres et parchemins seront jetés au feu.
    Il se rapprocha du foyer, dans lequel crépitait une grande
flambée, bien qu’il ne fît pas froid dehors. Alors il pensa à la fille qui
devait être brûlée vive, le lendemain matin, à Castillon d’Arbizon. C’était une
hérétique, une créature maudite, le jouet du diable. Il se remémorait sa
souffrance et ses tourments, tandis qu’il la torturait pour obtenir sa
confession. Il voulait la voir se tordre dans les flammes et entendre ses cris
qui annonceraient son arrivée à la porte de l’enfer. Alors plus tôt il répondrait
au comte, plus vite il pourrait partir.
    — Tu caches quelque chose, Roubert, le pressa celui-ci
avant qu’il ait pu dire quoi que ce soit.
    Roubert. Le frère détestait autant être appelé de son simple
nom de baptême qu’être tutoyé, autant de circonstances qui lui rappelaient que
le comte l’avait connu enfant et avait financé son éducation.
    — Je ne cache rien, protesta-t-il.
    — Alors dis-moi pourquoi un cardinal-archevêque aurait
l’envie d’envoyer un moine à Bérat ?
    Le frère s’écarta du feu.
    — Ai-je besoin de vous rappeler que le comté d’Astarac
fait maintenant partie de votre domaine ?
    Perplexe, le comte plissa les yeux en observant le père
Roubert, puis, soudainement, il comprit ce qu’il voulait sous-entendre.
    — Oh, mon Dieu, non ! s’exclama-t-il.
    Le vieil homme fit le signe de croix et retourna s’asseoir
sur sa chaise haute. Étudiant son échiquier, il soulagea une démangeaison sous
son bonnet de laine, puis se releva et revint à grands pas vers le dominicain.
    — Ne me dis pas que c’est encore cette vieille
histoire ?
    — Il y a eu des rumeurs, confia l’ecclésiastique,
adoptant maintenant une manière hautaine. Un frère de notre ordre, Bernard de
Taillebourg, un homme de qualité, est mort cette année en Bretagne. Assassiné,
pour être exact. Il était en quête de quelque chose. On n’a jamais su quoi.
Mais, selon la rumeur, il aurait fait cause commune avec un membre de la
famille Vexille.
    — Par le Christ tout-puissant, gronda le comte.
Pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus tôt ?
    — Voulez-vous que je vous embête avec toutes les
obscures histoires que l’on raconte dans les tavernes ?
    Bérat ne répondit pas. Le cerveau en proie à la plus vive
agitation, il pensait aux Vexille,

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