L'hérétique
du
cru :
— Le peuple est dispensé de travailler ce matin afin
qu’il puisse assister à l’exécution. Ainsi, il verra le mal se consumer dans
les flammes et quitter la ville. On le lui a promis.
Le père Médous traduisit à Thomas.
— C’est la coutume, ajouta-t-il. L’évêque veut
absolument que la population voie brûler l’hérétique.
— La coutume ? s’enquit le jeune homme. Vous
brûlez des filles suffisamment souvent pour qu’on puisse parler de pratique
coutumière ?
Le prêtre confus baissa la tête.
— C’est… c’est le père Roubert. Il nous a dit que nous
devions laisser le peuple regarder la condamnée mourir.
Thomas fronça les sourcils.
— Le père Roubert, demanda-t-il, n’est-ce pas cet homme
qui vous a demandé de brûler la fille à petit feu ? De dresser les fagots
bien droits ?
— C’est un dominicain, précisa le père Médous. Un…
vrai ! C’est lui qui a découvert l’hérésie de la bégharde. Il aurait dû se
trouver ici, aujourd’hui.
Le prêtre regarda autour de lui, comme s’il espérait
apercevoir le moine.
— Assurément, il sera désolé de manquer ce spectacle,
railla le chef des Anglais.
Puis il fit un signe à ses archers alignés. Ceux-ci
s’écartèrent pour laisser le passage à messire Guillaume, revêtu de son armure
de mailles, sa grande épée de guerre en main. Geneviève l’accompagnait. La
foule siffla et hua à la vue de la jeune fille. Mais le tumulte s’évanouit
instantanément quand les archers reformèrent leur ligne derrière le couple et
levèrent leurs grands arcs. Robbie Douglas, en haubergeon de mailles et l’épée
au côté, se faufila entre les soldats et regarda Geneviève, qui se trouvait
maintenant près de Thomas.
— Est-ce la fille ? demanda ce dernier.
— C’est l’hérétique, oui, confirma Galat Lorret.
La condamnée fixait le nouveau commandant du château avec
une certaine incrédulité. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il portait une
robe de moine, mais maintenant il lui apparaissait clairement qu’il n’était pas
vraiment prêtre. Son haubergeon était de bonne qualité et il l’avait poli
pendant la nuit passée à garder les cellules pour s’assurer que personne ne
viendrait abuser des prisonnières.
Geneviève elle-même avait changé d’allure. Elle n’avait plus
l’air d’une mendiante. Thomas avait envoyé deux petites servantes du château
lui porter de l’eau, des vêtements et un peigne en os dans sa cellule pour
qu’elle puisse se laver et s’apprêter. Il lui avait fourni une longue robe
blanche qui avait appartenu à la femme du châtelain. C’était une robe de lin
blanc de grand prix, avec des broderies au cou et aux manches, cousues avec du
fil d’or. Geneviève donnait l’impression d’être née pour porter de tels atours.
Un ruban jaune retenait dans son dos la longue tresse de ses cheveux blonds.
Elle était étonnamment grande, debout près de Thomas, qui lui aussi se
distinguait par sa taille. Les mains jointes devant elle, la jeune femme
regardait la population de Castillon avec un air de défi. Timidement, le père
Médous fit un signe vers le bûcher dressé, comme pour rappeler qu’il n’y avait
pas de temps à perdre.
Thomas se tourna de nouveau vers la condamnée. Elle était
vêtue comme une mariée, une promise… promise à la mort. Le jeune homme fut
stupéfait de sa beauté. Était-ce celle-ci qui avait offensé la population
locale ? Le père de Thomas avait souvent dit que la trop grande beauté
suscitait la haine autant que l’amour, car la beauté n’était pas naturelle.
Elle était une offense à la fange, aux blessures et au sang de la vie
ordinaire. Or, avec sa haute taille, sa minceur, sa peau si blanche et son
aspect éthéré, Geneviève était extraordinairement belle. Robbie devait être de
cet avis, car il la fixait avec une expression de pur ravissement.
Galat Lorret tendit à son tour le doigt vers le bûcher.
— Si vous voulez que le peuple se mette au travail,
alors laissez les flammes accomplir leur œuvre au plus vite !
— Je n’ai jamais brûlé de femme, indiqua l’Anglais.
Vous devez m’accorder le temps de réfléchir au meilleur moyen de le faire.
— La chaîne doit lui entourer la taille, expliqua le
consul. Et le forgeron s’occupera de l’attacher.
D’un geste, il désigna le forgeron de la ville, qui
attendait avec un gros clou et un marteau.
— Quant au feu
Weitere Kostenlose Bücher