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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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mangé, les membres de la garnison sans affectation purent aller dormir.
Alors, dès que tout fut calme dans le donjon, Geneviève sortit de derrière la
tapisserie de la grande salle. Thomas lui avait donné le lit du châtelain. La
jeune femme s’approcha du feu près duquel l’archer assis lisait l’étrange livre
de son père sur le Graal. Il n’y avait personne d’autre dans la pièce.
Théoriquement, Robbie et messire Guillaume devaient dormir eux aussi dans cette
pièce du château, à côté de leur chef et ami. Mais le premier était en charge
des sentinelles et le second buvait et jouait avec les hommes d’armes dans la
salle en dessous.
    Revêtue de sa longue robe blanche, Geneviève apparut
silencieusement. D’une démarche éthérée, elle s’approcha de la chaise de Thomas
et s’agenouilla près de l’âtre. Pendant un moment, elle se contenta de fixer le
feu, puis leva les yeux vers l’Anglais. Celui-ci abandonna sa lecture pour la
contempler. Les flammes projetaient une fantaisie d’ombres et de lumière sur le
visage de la fille.
    Un visage, un simple visage, s’émerveilla-t-il, mais
réellement fascinant.
    — Si j’étais affreuse, demanda-t-elle en parlant pour
la première fois depuis sa libération, serais-je encore en vie ?
    — Oui, répondit-il.
    — Alors pourquoi m’as-tu laissée vivre ?
    Thomas remonta une manche et lui montra les cicatrices de
son bras.
    — C’est aussi un dominicain qui m’a torturé.
    — Il t’a brûlé ?
    — Oui.
    Elle se releva et vint placer ses bras autour du cou de
Thomas en posant délicatement sa tête sur l’épaule de l’archer. Elle resta
ainsi sans bouger, sans rien dire, en se contentant de le tenir serré. Et lui
aussi resta immobile, silencieux. Il se rappelait la souffrance, l’humiliation,
la terreur, et soudain il se sentit sur le point de pleurer.
    Au même instant, la porte de la salle s’ouvrit en grinçant et
quelqu’un entra. Thomas, qui tournait le dos à l’entrée, ne pouvait voir le
nouveau venu. Mais Geneviève leva la tête pour voir qui venait troubler cet
instant de quiétude. Il y eut quelques secondes de silence, puis le bruit de la
porte se refermant et le son de pas s’éloignant dans l’escalier. L’Anglais
n’avait pas besoin de poser la question : il savait que c’était Robbie,
entré et aussitôt reparti.
    La Picarde reposa la tête sur son épaule sans rien dire. Il
pouvait sentir battre le cœur de la jeune femme.
    — Le pire, ce sont les nuits, murmura-t-elle enfin.
    — Je sais.
    — Le jour, on a de quoi s’occuper l’esprit. Dans le
noir, il n’y a que les souvenirs.
    — Je sais.
    Elle redressa la tête pour regarder l’homme sans lâcher son
cou. Son regard avait une expression extrêmement grave.
    — Je le déteste, dit-elle.
    Thomas comprit qu’elle parlait de son tortionnaire.
    — Il s’appelait frère Roubert, continua-t-elle. Je veux
voir son âme en enfer.
    Le jeune Anglais, qui avait lui-même tué son bourreau, ne
sachant que répondre, se réfugia dans une dérobade :
    — Dieu veillera sur son âme.
    — Dieu semble très loin parfois… surtout dans le noir.
    — Tu dois manger et dormir.
    — Je ne peux pas dormir.
    — Si, insista Thomas, tu le peux. Tu le dois.
    Il enleva les bras qui enlaçaient encore son cou et la
ramena vers son lit, dans l’alcôve qui se trouvait derrière la tapisserie.
Après l’avoir aidée à se coucher, il demeura près d’elle pour la rassurer.
     
    Le lendemain matin, Robbie n’adressa pas la parole à Thomas,
mais la tension fut à peine perceptible tant il y avait à faire. En premier
lieu, il fallut prélever de la nourriture dans la ville et la stocker dans le
château. Puis apprendre au forgeron comment fabriquer les pointes des flèches
anglaises. Et pour fournir les fûts de ces dernières, des hommes durent aller
couper des peupliers et des frênes dans les bois voisins. Les oies de Castillon
perdirent les plumes de leurs ailes pour l’empennage des traits. Si le travail
occupait les hommes de Thomas, il ne dissipait pas leur humeur maussade. À la
jubilation qui avait suivi la capture aisée du château avait succédé une
certaine nervosité. Malgré son manque d’expérience dans l’art du commandement,
leur jeune chef savait qu’il était confronté à sa première crise interne.
    Beaucoup plus vieux et plus expérimenté que lui, Guillaume
d’Evecque en avait parfaitement identifié la

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