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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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remontait les
rues de la ville à la tête d’une colonne de cavaliers tirant des troupeaux de
bétail volés et des chevaux ployant sous le poids du butin, la population de
Castillon d’Arbizon la traitait de draga en murmurant. Tout le monde
savait ce qu’étaient les dragas : des filles du diable,
capricieuses et mortelles, rayonnant dans un halo blanchâtre. Oui, Geneviève
était la fille du diable, chuchotaient-ils, et, grâce à elle, la bonne fortune
de son maître démoniaque souriait aux Anglais. Étrangement, une majorité des
hommes de Thomas étaient devenus fiers d’elle, précisément à cause de cette
rumeur. En Bretagne, les archers qui l’accompagnaient s’étaient habitués à être
appelés « hellequins » [17] et cette association avec le Malin les flattait
perversement, maintenant. Elle terrorisait tous ceux qui les croisaient et, de
ce fait, Geneviève devint le symbole de leur bonne fortune, leur porte-bonheur
en quelque sorte.
    De son côté, Thomas avait un nouvel arc. Quand leurs vieux
compagnons de bois ne rendaient plus les services attendus, la plupart des
archers s’en procuraient de nouveaux dans les réserves amenées d’Angleterre par
bateau. Il n’y avait pas de telles réserves à Castillon d’Arbizon mais, de
toute façon, Thomas adorait fabriquer des arcs, art dans lequel il excellait.
Dans le jardin du consul Galat Lorret, il avait trouvé une bonne branche d’if.
Après l’avoir sciée, écorcée et soulagée de tous ses surgeons, il avait obtenu
une hampe parfaitement droite. Une moitié de sa circonférence était aussi
sombre que le sang, tandis que l’autre était aussi pâle que le miel. Le côté
sombre était le cœur de l’if, la moitié dorée en était l’aubier flexible. Quand
l’arc serait achevé, le cœur résisterait à la traction de la corde et l’aubier
redresserait violemment la tige pour permettre à la flèche de s’envoler comme
un démon ailé.
    Le nouvel arc était encore plus grand que l’ancien. Tout en
le travaillant, Thomas s’était plusieurs fois demandé s’il ne le faisait pas
trop grand, justement. Mais il avait poursuivi son ouvrage. Avec son seul
couteau pour mettre en forme le bois, il avait soigneusement effilé les extrémités,
laissant un ventre un peu plus renflé. Ensuite, presque amoureusement, il avait
lissé, poli, puis peint l’arc, car l’humidité de la matière ligneuse devait
être emprisonnée à l’intérieur de l’arme si l’on ne voulait pas que celle-ci se
brise. Il frotta également la partie externe du ventre avec de la cire
d’abeille et de la suie pour assombrir le bois. Il ne lui restait plus qu’à
procéder aux finitions. Il détacha les encoches de corne et la plaque d’argent
de son vieil arc pour les fixer sur le nouveau. L’écusson avait été façonné
dans un morceau de calice ayant appartenu à son père. Il portait le blason de
ce dernier, une bête fantastique, connue sous le nom d’éalé, tenant un Graal.
Thomas le positionna sur la face externe de son arc, juste au-dessus de
l’endroit où il plaçait sa main.
    La première fois qu’il tordit son nouvel arc pour le corder,
il comprit avec autant d’étonnement que d’émerveillement que cette opération
requérait une force surprenante. Et lorsqu’il tira sa première flèche, il regarda
avec stupéfaction le trait s’envoler des remparts du château pour aller se
perdre hors de vue.
    En plus de celui-là, il avait fabriqué un second arc, avec
une branche plus petite. Il s’agissait cette fois quasiment d’un simple arc
d’enfant ne nécessitant que très peu de force pour être bandé. Thomas le donna
à Geneviève. La jeune femme s’essaya à l’archerie dans la cour du château, avec
des flèches émoussées. Sous le regard amusé des soldats, elle les dispersait
aux quatre coins de l’enceinte. Mais elle s’entêta courageusement et, à force
de persévérance, elle finit, après quelques jours, par se montrer capable de
placer toutes ses flèches dans le bois de la porte.
    La nuit suivant l’achèvement de son nouvel arc, Thomas
expédia l’ancien « en enfer ». Un archer ne se débarrassait jamais
purement et simplement d’un arc, même s’il se brisait entre ses doigts. Au
cours d’une cérémonie qui était aussi prétexte à boire et rire, la vieille arme
était rituellement confiée aux flammes. On l’envoyait en enfer, disaient les
archers, où elle allait précéder et attendre son

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