L'hérétique
que toutes les grottes soient murées et, des
années plus tard, plus d’un siècle même, si mes souvenirs sont exacts [19] ,
les sept jeunes hommes furent retrouvés là. Et pas un d’eux n’avait vieilli
d’un jour. Donc sept hommes, Roubert, ont fui… Montségur !
Le dominicain replaça les annales sur leur rayonnage.
— Mais un an plus tard, souligna-t-il, votre ancêtre
les vainquit.
— Ils ont pu survivre, insista le comte, et tout le
monde sait que des membres de la famille Vexille se sont enfuis. Ceux-là ont
naturellement survécu ! Mais réfléchis, Roubert… Pourquoi un seigneur
cathare aurait-il quitté la dernière forteresse et ses frères, si ce n’était
pour mettre les trésors des hérétiques à l’abri ? Tout le monde sait que
les cathares possédaient de grands trésors !
Le père Roubert s’efforçait de ne pas se laisser emporter
par l’enthousiasme du vieillard.
— Si la famille a survécu, elle a dû emporter les
trésors avec elle…
— Crois-tu ? Ils étaient sept et ils sont
assurément partis dans des directions différentes. Certains ont pris celle de
l’Espagne, d’autres du nord de la France… Et un au moins a gagné l’Angleterre.
Imagine que tu es pourchassé et recherché par l’Église et par tous les grands
seigneurs. Est-ce que tu emporterais un important trésor avec toi ?
Prendrais-tu le risque de le voir tomber entre les mains de tes ennemis ?
Pourquoi ne pas plutôt le cacher, dans l’espoir qu’un jour l’un des survivants
du groupe des sept soit en mesure d’aller le récupérer ?
La démonstration semblait maintenant de plus en plus ténue.
— S’il y avait eu un trésor à Astarac, dit le père Roubert,
pour le coup franchement dubitatif, il aurait été trouvé depuis longtemps…
— Mais le cardinal-archevêque le cherche ! Pour
quel autre motif voudrait-il fouiller nos archives ?
Le comte reprit le contrat du maçon et le tint au-dessus
d’une bougie pour brûler spécifiquement les trois mots latins et la demande de
gravure. Puis il écrasa son poing sur les bords embrasés pour éteindre le feu.
Enfin, il déposa le parchemin endommagé dans le panier de documents qui serait
remis au moine parisien.
— Je dois me rendre à Astarac ! lança-t-il.
Une telle exaltation parut effrayer le dominicain.
— C’est une contrée sauvage, Monseigneur, l’avertit-il,
infestée de coredors. Et l’endroit ne se trouve pas loin des Anglais de
Castillon d’Arbizon.
— C’est pourquoi je vais emmener des hommes d’armes.
Le comte était maintenant au comble de l’excitation. Si le
Graal se trouvait sur son domaine, cela expliquait clairement pourquoi Dieu
l’avait maudit en rendant ses épouses infécondes : Il l’avait condamné
pour n’avoir pas cherché cette relique sacrée. Donc, il partait s’en occuper.
— Tu peux venir avec moi, proposa-t-il au moine. Je
vais laisser messire Henri, les arbalétriers et l’essentiel des hommes d’armes
ici pour défendre la ville.
— Et votre neveu ?
— Oh, je vais l’emmener avec moi ! Il pourra
commander mon escorte, considéra le comte en fronçant les sourcils. Cela lui
donnera l’illusion d’être utile. Et à propos, Saint-Sever ne se trouve-t-il pas
juste à côté d’Astarac ?
— Si, très près.
— Je suis certain que l’abbé Planchard nous hébergera.
C’est un homme qui pourrait nous aider grandement !
Le jeune frère prêcheur se dit que l’abbé risquait plus
probablement de traiter le comte de vieux fou, mais il voyait que son seigneur
était totalement emporté par l’enthousiasme et que toute tentative pour le
raisonner serait vaine. Indubitablement, le vieil homme croyait que s’il
trouvait le Graal, Dieu le récompenserait en lui donnant un fils. Après tout,
peut-être avait-il raison. Peut-être le Graal devait-il être découvert pour
ramener de l’ordre dans le monde. Aussi le frère se laissa-t-il tomber à genoux
au milieu de la grande salle. Il pria Dieu pour qu’il bénisse le comte et sa
quête, qu’il permette de tuer les hérétiques et fasse réapparaître le Graal.
À Astarac.
4
Thomas et ses hommes quittèrent Astarac en fin d’après-midi.
Leurs chevaux ployaient sous le poids des morceaux de viande, des marmites, de
tout ce qui avait une certaine valeur et pouvait être vendu sur le marché de
Castillon d’Arbizon. Le fils du père Ralph ne cessait de regarder en arrière.
Il ne pouvait
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