L'hérétique
autel.
— Je voulais le tuer, indiqua l’Écossais.
— Je t’ai toujours entendu dire, lui rappela Thomas,
qu’il n’y a aucun péché qu’un prêtre ne puisse absoudre, et je suppose que cela
inclut le meurtre d’ecclésiastiques.
— J’avais tort. C’était un prêtre et nous n’aurions pas
dû le tuer.
— C’était surtout l’étron bâtard du diable, riposta son
camarade avec une hargne vindicative dans la voix.
— Peut-être, mais c’était aussi un homme qui voulait
tout simplement ce que toi tu veux, considéra résolument son camarade, et qui
était prêt à tuer pour l’obtenir. Nous ne faisons pas autre chose, Thomas.
Ce dernier se signa.
— T’inquiètes-tu pour mon âme, demanda-t-il
caustiquement, ou pour la tienne ?
— J’ai parlé à l’abbé de Saint-Sever, répondit Robbie en
négligeant la question de Thomas. Je lui ai tout raconté, pour le dominicain.
Il a répondu que j’avais commis une chose terrible et que mon nom se trouvait
déjà inscrit sur la liste du diable.
Ce meurtre était effectivement le péché que Robbie avait confessé
à l’abbé, seulement le vieux Planchard était un homme suffisamment avisé pour
avoir compris que quelque chose d’autre préoccupait le jeune Écossais, et que
ce quelque chose d’autre devait avoir un rapport avec la bégharde. Mais le
moine avait pris Robbie au mot, sans le questionner sur ses autres tourments,
et il s’était montré sévère avec lui.
— Il m’a ordonné de faire un pèlerinage. Il a dit que
je devais me rendre à Bologne pour prier sur la tombe de saint Dominique. Il a
ajouté que là-bas je recevrais un signe qui m’indiquerait si saint Dominique
m’a pardonné le meurtre.
Après sa conversation avec messire Guillaume, Thomas avait
déjà décidé qu’il serait préférable de laisser partir Robbie, or maintenant
celui-ci lui facilitait la tâche. Mais il fit mine d’hésiter à consentir :
— Tu pourrais attendre la fin de l’hiver, suggéra-t-il.
— Non, rétorqua l’autre fermement. Je suis maudit,
Thomas, à moins que je ne fasse quelque chose pour me sauver.
L’archer se rappelait fort bien la mort du dominicain, les
flammes tremblotant contre les murs de la tente, les deux épées s’abattant de
concert et frappant le frère se contorsionnant dans son sang.
— Alors je suis maudit aussi, non ?
— Ton âme, c’est ton affaire, et ce n’est pas à moi de
te dire comment agir. L’abbé m’a dit ce que je devais faire, moi.
— Alors va à Bologne, conclut Thomas en dissimulant son
soulagement de voir Robbie prendre lui-même la décision de partir.
Il leur fallut deux jours pour organiser le périple de
l’Écossais. Après avoir parlé à un pèlerin qui s’était arrêté pour prier sur la
tombe de saint Sardos dans l’église de Castillon, ils conclurent que Robbie
ferait bien de retourner d’abord à Astarac pour gagner ensuite par ses propres
moyens Saint-Gaudens, au sud. Une fois là-bas, il se retrouverait sur une route
fréquentée et il ne lui serait sans doute pas difficile de se joindre à des
convois de marchands. Ceux-là verraient probablement d’un bon œil la compagnie
d’un homme d’armes jeune et fort pour les aider à protéger leurs déplacements.
« De Saint-Gaudens, vous remonterez vers Toulouse au
nord, avait expliqué le pèlerin, et vous veillerez à vous arrêter dans le
sanctuaire de saint Sernin pour lui demander protection. L’église possède l’une
des verges utilisées pour fustiger Notre-Seigneur. Et si vous payez, ils vous
laisseront la toucher et vous ne souffrirez jamais de cécité. Ensuite, il vous
faudra poursuivre vers Avignon. Ces routes sont bien gardées, donc vous ne
devriez pas rencontrer de difficultés. Et en Avignon, après avoir obtenu la
bénédiction du Saint-Père, vous irez quérir un autre convoi de voyageurs pour
continuer votre périple vers l’est. »
La partie la plus dangereuse du voyage était finalement la
première. Thomas promit d’escorter Robbie jusqu’à ce qu’il soit en vue d’Astarac,
pour s’assurer qu’aucun coredor ne l’attaque. Il lui donna aussi un
plein sac d’or provenant du grand coffre de la salle.
— C’est plus que ta part, lui dit Thomas.
Robbie soupesa le sac.
— C’est trop.
— Par le Christ, mon ami, tu auras à payer des tavernes.
Prends-le. Et au nom de Dieu, ne le perds pas aux dés.
— Sûrement pas. J’ai promis à l’abbé
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