L'Héritage des Cathares
qu’elle appliqua sur mes mains, puis sur mon front.
— Voilà. L’air est rempli d’animalcules qui corrompent les plaies ouvertes. Le miel et la menthe aident à les tenir à l’écart.
Puis elle me mit des bandages propres et se leva.
— Tu sais, Gondemar, tu as une chance de bossu ou alors tu es béni de Dieu. Pour ma part, je remercie la Providence d’avoir permis nos retrouvailles. Lorsque tu te sentiras mieux, tu me donneras des nouvelles de Rossal. Mille questions me brûlent les lèvres.
— Pernelle ?
— Oui ?
— Moi aussi, je suis heureux de te retrouver.
Je la regardai partir sans rien ajouter. Je n’étais ni béni ni chanceux. J’étais condamné. Mais cela, j’étais le seul à le savoir. Quant à lui donner des nouvelles du village, le désespoir m’envahissait à la seule idée de devoir le faire.
Chapitre 14 L’hérétique
Le lendemain, Pernelle surgit, la démarche décidée, un sourire déterminé et un peu coquin sur les lèvres. Le sourire qui m’avait tant réjoui, jadis, quand elle était heureuse. De toute évidence, elle avait retrouvé ce bonheur perdu à Rossal. Elle était suivie de ses deux collègues qui peinaient en portant une cuve de métal. Elle s’approcha de ma couche, se planta devant moi et fit signe aux deux autres de déposer leur fardeau au pied du lit. Ils obtempérèrent avec un soulagement évident puis sortirent discrètement. Elle posa un paquet qu’elle avait apporté.
— Ta convalescence a beaucoup duré et, pour dire les choses sans fioritures, tu empestes. Allez, au bain !
— Au bain ? Tu veux me tuer ?
— Allons, tu n’accordes quand même pas créance aux histoires de bonnes femmes ? La saleté ne te protège pas de la maladie en bouchant les pores de ta peau pour empêcher les animalcules d’y entrer. Elle te souille et te rend malade. Pour être en santé, il faut être propre !
Avec délicatesse et savoir-faire, elle défit les bandages de mes mains et examina mes blessures. Une fois satisfaite, elle m’aida à me lever puis entreprit de me débarrasser de mes hardes, encore tachées de sang et souillées par le combat. Elle passa ma chemise par-dessus ma tête et, apercevant la croix sur mon épaule, se crispa, mais elle se tut. Elle fit mine de s’attaquer à mes braies. Mon mouvement de recul pudique la fit éclater de rire.
— Je soigne les malades, Gondemar de Rossal ! J’ai vu assez de croupions, de pendeloches et de génitoires pour ne plus m’en émouvoir ! Alors in naturalibus 4 et plus vite que ça ! Mais si tu tiens à jouer à la vierge effarouchée.
Je ne pus m’empêcher de penser aux circonstances dans lesquelles elle avait été initiée au membre masculin et regrettai de les lui avoir involontairement rappelées. Elle se retourna et me laissa me dénuder. J’eus un choc en voyant à quel point j’étais maigre. Mes côtes saillaient lamentablement et mes muscles étaient flasques. Abasourdi, je me glissai dans la cuve. L’eau était chaude et parfumée. Je ressentis aussitôt un profond bien-être et me détendis. Pernelle se retourna et me donna un petit linge en crin de cheval et un morceau de savon noir.
— Frotte-toi bien. Tu es crasseux comme un mendiant. Et n’oublie pas tes cheveux. On pourrait y cuire un rôti tant ils sont graisseux !
— Oui, dame Pernelle. dis-je en relevant théâtralement les yeux au ciel.
J’obtempérai et m’astiquai énergiquement. Elle éclata de ce rire cristallin qui m’avait tant manqué sans que je le sache et attendit patiemment que ma toilette soit terminée. Lorsque je fus propre et que ma peau fut toute rougie, elle me tendit un linge sec et se retourna à nouveau.
Je sortis de l’eau et m’épongeai. Pernelle étira le bras, attrapa la chemise et les braies un peu défraîchies, mais propres, qu’elle avait posées sur mon lit, et me les tendit sans tourner la tête.
— Ça devrait t’aller. Ils appartenaient à un de nos patients qui n’a pas survécu.
Je me vêtis en hâte. Je me sentais revigoré et j’avais l’impression que mes jambes me portaient un peu plus facilement.
— Te voilà plus présentable ! déclara-t-elle en reniflant d’un air critique. Maintenant, il est temps de te refaire les muscles. Et puis, l’air pur te changera des miasmes de cet endroit. Viens. Allons marcher.
Elle me prit le coude, me mena vers la porte qui se trouvait à
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