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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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referma doucement le Livre saint, le baisa avec respect, se leva et alla le poser quelque part hors de mon champ de vision. Je notai qu’elle boitait distinctement et que son pied gauche traînait sur le sol. Peu à peu, la douleur dans ma gorge s’atténua et je pus recommencer à respirer. Quand elle revint, elle tenait une scie aux dents menaçantes. Ses compagnons s’approchèrent subrepticement du lit.
    —    Maintenant, mon frère, sois courageux. Offre ta souffrance au Dieu de lumière pour qu’Il soit avec toi.
    Elle dirigea un regard entendu aux deux hommes.
    —    Tenez-le bien.
    Fermement, mais sans aucune rudesse, le premier saisit le poignet du blessé et le plaqua sur la petite table pendant que l’autre appuyait son genou dans le creux de l’épaule. Puis la femme tâta soigneusement la blessure, posa la scie quelques doigts au-dessus de l’articulation du coude en charpie de l’homme, prit une profonde inspiration et se mit à scier. Malgré mon écœurement, je fus étonné de la vigueur déployée par une créature si menue. Le blessé hurla à la mort pendant une seconde sans qu’elle en tienne compte, ses assistants le maintenant en place malgré ses soubresauts. Puis il sombra dans l’inconscience. Je pus apercevoir le haut de son visage cireux, tourné vers moi. En quelques coups adroits, la femme trancha le membre, qui tomba mollement sur le sol comme un vulgaire quartier de viande. Toute l’opération n’avait pas duré plus de vingt secondes, mais avait dû paraître une éternité à l’infortuné.
    Le sang giclait par jets sombres, mouillant les draps, les murs et le plancher. Avec des gestes efficaces et mesurés, la femme saisit le tisonnier rougi et l’appliqua sur la chair, cautérisant les vaisseaux sanguins d’où la vie s’écoulait. Au bout de quelques minutes, elle appliqua sur la plaie boursouflée un épais onguent jaunâtre. Puis elle enveloppa le moignon dans un linge blanc qu’elle attacha soigneusement. Elle se pencha et posa un baiser sur le front de l’homme qu’elle venait de mutiler.
    —    Que Dieu soit avec toi, Fermin, l’entendis-je murmurer. Tu es entre ses mains, maintenant.
    Elle releva la tête et se retourna vers les deux hommes en noir.
    —    La coupure est nette et la plaie est bien cautérisée. Si la mortification ne s’y installe pas, je crois qu’il vivra. Surveillez-le bien et faites-le boire régulièrement. S’il a une forte fièvre, nous devrons agir vite. Je passerai le voir toutes les deux heures.
    Elle prit appui sur le lit pour se relever. Tout à coup, son dos était voûté par le poids qu’elle semblait porter.
    —    Au suivant, soupira-t-elle avec une profonde lassitude mêlée de résignation. Dieu m’accordera bien d’en sauver quelques-uns.
    Elle s’éloigna, encadrée de ses deux compagnons. Lorsqu’elle s’était adressée aux deux hommes, pour la première fois, j’avais entrevu son profil. Le choc me coupa le souffle, et bientôt ma vue s’obscurcit. Le visage que j’avais cru entrevoir sortait tout droit de mon passé.
    Lorsque je m’éveillai à nouveau, j’inspirai et, cette fois, je tournai la tête d’un côté, puis de l’autre, un cheveu à la fois. Je fus heureux de constater que j’y arrivais. La douleur dans mon crâne était toujours présente, mais lancinante plutôt que vive. Je testai prudemment mes doigts et un élancement fulgurant traversa mes mains, me confirmant que je n’avais pas rêvé et qu’elles avaient bien été transpercées. Incroyablement, je vivais et je n’étais pas passé par l’enfer.
    J’ouvris les yeux. L’homme gisait toujours dans le lit d’à côté et dormait paisiblement. Ce qu’il lui restait de bras était emmailloté dans des bandelettes maculées de sang. Ses joues semblaient même avoir retrouvé un peu de couleur. Je ressentis un émerveillement presque superstitieux de le voir ainsi, toujours en vie. Je parvins à ramener ma main droite devant mes yeux et constatai qu’elle était enrubannée. Je la portai craintivement à mon front. J’y trouvai un épais bandage, mais le carreau d’arbalète, lui, n’y était plus.
    Les paroles énigmatiques de Métatron, pour peu qu’il n’ait pas été une illusion causée par l’épuisement, me revinrent en tête. La Vérité vient vers toi. Et pourtant, je me retrouvais là, allongé dans une infirmerie, impotent. Aucune Vérité, quelle qu’elle fût, ne m’était visible.

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