L'Héritage des Templiers
sera inscrit dans les chroniques que le bilan de notre maître est contesté. » Il n’arrivait pas à croire qu’il venait de prononcer ces paroles. Puisse son vieil ami les lui pardonner. « Puisque vous ne faites preuve d’aucun respect pour notre défunt maître, vous pouvez vous retirer, ajouta-t-il en s’approchant de l’autel. Ceux qui souhaitent participer à la cérémonie pourront me rejoindre au panthéon dans une heure. »
Les moines sortirent en silence et bientôt ne resta plus que de Rochefort. Il s’approcha du cercueil. L’assurance se lisait sur son visage taillé à la serpe. « C’est le prix à payer pour sa lâcheté », siffla-t-il.
Les masques tombaient. « Vous allez regretter ce que vous venez de faire.
— L’élève se prendrait-il pour le maître ? J’ai hâte que le chapitre se tienne.
— Vous mènerez l’ordre à sa perte.
— L’ordre renaîtra, grâce à moi. La vérité doit être révélée aux yeux du monde. On nous a fait du tort il y a plusieurs siècles, et l’heure est venue de le réparer. »
Le sénéchal n’était pas en désaccord avec cette conclusion, mais il n’y avait pas que cela. « Était-il nécessaire de salir la mémoire d’un homme bon ?
— Bon pour qui ? Pour vous, peut-être ? J’ai été traité avec le plus grand mépris.
— C’est bien plus que vous ne méritez.
— Votre protecteur est mort, souligna de Rochefort, un sourire sinistre éclairant son visage pâle. Il ne reste que vous et moi désormais.
— J’ai hâte de me mesurer à vous.
— Moi aussi, rétorqua de Rochefort avant d’observer une pause. Trente pour cent de nos frères ne m’ont pas apporté leur soutien. Dites donc adieu à notre maître en leur compagnie. »
Sur ces mots, il tourna les talons et sortit de la chapelle. Le sénéchal attendit que les portes se soient refermées pour poser une main tremblante sur le cercueil du maître. Un réseau de haine, de traîtrise et de fanatisme se resserrait sur lui. Il entendit de nouveau les paroles qu’il lui avait dites la veille.
« Je respecte le pouvoir de nos adversaires. »
Il venait de perdre sa première bataille.
Ce qui n’augurait rien de bon pour les heures à venir.
16
Rennes-le-Château,
Sud de la France
11 h 30
Au volant de sa voiture de location, Malone quitta l’autoroute, prit vers le sud jusqu’à Couiza, et emprunta la route qui serpentait jusqu’au sommet d’une colline. Elle offrait un point de vue époustouflant sur les vallons aux teintes fauves foisonnant d’hélianthèmes, de lavande et de thym. Les ruines éparses d’une forteresse, dont les murs calcinés se dressaient comme des doigts décharnés, s’élevaient au loin. De cette terre qui s’étendait à perte de vue émanait un profond romantisme et l’on s’imaginait sans peine les chevaliers en maraude s’abattre comme des oiseaux de proie sur leurs ennemis du haut de leurs forteresses.
Stéphanie et Malone s’étaient envolés pour Paris vers quatre heures du matin ; là, ils avaient attrapé le premier vol Air France pour Toulouse. Une heure plus tard, ils roulaient en direction du Languedoc.
Dans la voiture, Stéphanie lui parla du village construit à plus de quatre cent cinquante mètres d’altitude sur le sinistre éperon rocheux qu’ils étaient en train de gravir. Les Gaulois avaient été les premiers à s’établir sur la colline, alléchés par la perspective qu’elle offrait sur la vallée de l’Aude. Mais c’étaient les Wisigoths qui, au V e siècle, y avaient construit une citadelle et l’avaient baptisée du nom antique d’origine celte Rhedae, qui signifie chariot. Sous leur influence, la cité était devenue un haut lieu de commerce. Deux siècles plus tard, lorsque les Wisigoths avaient été repoussés jusqu’en Espagne, les Francs avaient fait de Rhedae une cité royale. Au XII e siècle, cependant, la ville avait décliné et avait fini par être rasée vers 1170. Elle était successivement passée dans le giron de différentes maisons françaises et espagnoles avant de devenir la propriété de l’un des lieutenants de Simon de Montfort, qui en avait fait une baronnie. La famille avait alors fait élever un château autour duquel un petit hameau était né et la ville avait été rebaptisée Rennes-le-Château. Les descendants des barons de Rennes-le-Château avaient régné sur le village et ses environs jusqu’à la mort de la dernière
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