L'Héritage des Templiers
d’accéder à un bâtiment compact de style Renaissance, incongru lui aussi.
« La villa Béthanie. Saunière l’a fait construire elle aussi.
— Un nom biblique qui signifie “maison des dates” ou “maison de l’affligé”.
— Saunière avait un don pour baptiser les lieux, reconnut Stéphanie. La maison de Lars se trouve au bout de cette ruelle, indiqua-t-elle en se retournant. Avant d’y aller, il faut que je vous raconte ce qui s’est passé ici en 1891. Je l’ai lu la semaine dernière. C’est ce qui a fait sortir cet endroit de l’ombre. »
L’abbé Béranger Saunière considéra la tâche décourageante qui l’attendait. L’église Sainte-Marie-Madeleine avait été érigée sur des vestiges wisigothiques et consacrée en 1059. Aujourd’hui, huit siècles plus tard, l’intérieur était en ruine à cause des fuites du toit, qui n’avait de toit que le nom, d’ailleurs. Les murs s’effondraient, quant à eux, et les fondations s’enfonçaient. Il faudrait de la patience et de l’énergie pour réparer les dommages, mais il se sentait à la hauteur.
C’était un homme robuste, athlétique, aux larges épaules, aux cheveux noirs coupés ras. L’unique trait physique qui le rendait attachant et dont il jouait était la fossette à son menton. Elle contrebalançait la sévérité de ses yeux noirs et de ses sourcils broussailleux en lui donnant l’air malicieux. Né dans le village voisin de Montazels, il connaissait bien la géographie des Corbières et venait à Rennes-le-Château depuis l’enfance. L’église de la commune, consacrée à Marie Madeleine, ne servait plus guère depuis des décennies, et il n’aurait jamais imaginé qu’un jour il aurait à se colleter avec ses innombrables défauts.
« Un véritable désastre, lui dit le maçon, un dénommé Rousset.
— C’est aussi mon avis. »
Babou, un collègue de Rousset, s’efforçait de consolider l’un des murs. L’architecte des monuments nationaux avait récemment recommandé de raser l’édifice, mais Saunière n’aurait jamais pu s’y résoudre. Il devait sauver cette vieille église de la destruction.
« Les réparations coûteront très cher, reprit Rousset.
— Des sommes astronomiques », renchérit l’abbé avec un sourire pour montrer au vieil homme qu’il était conscient de l’ampleur de la tâche. « Mais cet endroit redeviendra digne du Seigneur. »
Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il avait déjà réuni une coquette somme. L’un de ses prédécesseurs avait laissé six cents francs à investir dans des réparations. Il avait également réussi à convaincre le conseil municipal de lui prêter quatorze cents francs. Mais le gros de la somme lui était parvenu secrètement cinq ans plus tôt. La comtesse de Chambord, veuve de Henri, dernier représentant des Bourbon et prétendant au trône de France, lui avait fait une donation de trois mille francs. À l’époque, Saunière était parvenu à faire parler de lui en délivrant des sermons antirépublicains qui réveillaient les sentiments monarchistes chez ses paroissiens. Le gouvernement, qui s’était ému de ces commentaires, lui avait coupé les vivres et exigé qu’on lui retire sa chaire. L’évêque ne l’avait suspendu que pendant neuf mois, et il avait attiré l’attention de la comtesse qui avait chargé un intermédiaire de le contacter.
« Par quoi voulez-vous commencer ? » demanda Rousset.
L’abbé avait longuement réfléchi à la question. Les vitraux avaient déjà été remplacés et le porche neuf, devant l’entrée principale, serait bientôt achevé. Le mur nord, sur lequel travaillait Babou, devrait évidemment être réparé, il faudrait installer un autel neuf et refaire le toit. Mais il y avait une priorité.
« Nous allons commencer par l’autel », répondit-il.
Rousset eut l’air étonné.
« C’est le point de mire, pour les fidèles.
— Comme vous voulez, monsieur le curé. »
Il aimait le respect que lui témoignaient ses paroissiens les plus âgés bien qu’il n’ait que trente-huit ans. Il avait appris à aimer Rennes-le-Château ces cinq dernières années. Il n’était pas loin de chez lui, avait tout loisir d’étudier les Saintes Écritures et de se perfectionner en latin, en grec et en hébreu. Il aimait également faire des promenades dans la montagne, s’adonner à la pêche et à la chasse. Mais l’heure était venue de se montrer
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