L'Héritage des Templiers
s’arrêter ; le bruit de leurs pas finit par s’atténuer.
« Ce couloir mène au gymnase. Ils ne tarderont pas à découvrir que nous n’y sommes pas. »
Geoffrey et le sénéchal se glissèrent à pas feutrés dans le couloir, souffle coupé par l’émotion, et, à l’intersection de deux corridors, bifurquèrent vers le réfectoire.
Pourquoi les coups de feu n’avaient-ils pas alerté le reste de la communauté ? Il faut dire que la musique était toujours forte dans la chapelle et empêchait d’entendre ce qui se passait à l’extérieur. Malgré tout, si de Rochefort avait anticipé sa tentative de fuite, il fallait s’attendre à ce que d’autres moines montent la garde à travers l’abbaye.
Dans le réfectoire, les longues tables et les bancs étaient vides. Une odeur de ragoût de tomates s’échappait de la cuisine. Dans la chaire de bois sculptée réservée au frère lecteur, à un peu moins d’un mètre du sol, se tenait un moine armé d’un fusil.
Le sénéchal plongea sous une table en se servant de son sac pour amortir le choc et Geoffrey l’imita.
Une balle vint se loger dans l’épais plateau de chêne.
Geoffrey se mit à courir en tirant deux coups de feu, dont l’un toucha leur assaillant. L’homme vacilla avant de s’effondrer à terre.
« Tu l’as tué ?
— J’espère que non. Je crois que je l’ai touché à l’épaule.
— La situation nous échappe.
— Il est trop tard à présent. »
Les deux hommes se relevèrent. Des moines vêtus de tabliers tachés firent irruption dans le réfectoire. Les cuisiniers. Aucun danger.
« Retournez en cuisine tout de suite, s’écria le sénéchal et ils lui obéirent.
— Sénéchal, fit Geoffrey, d’un ton pressant.
— Après toi. »
Ils empruntèrent un couloir différent pour fuir le réfectoire. Ils perçurent des voix derrière eux accompagnées du claquement des semelles de cuir sur le dallage. L’agression par balle de deux frères suffirait à motiver même les plus pacifiques de leurs poursuivants. Le sénéchal s’en voulait d’être tombé dans le piège de de Rochefort. Le peu de crédibilité qu’il avait pu avoir venait de s’évanouir. Personne ne le soutiendrait plus maintenant et il maudit sa bêtise.
Les deux hommes pénétrèrent dans l’aile occupée par le dortoir. Geoffrey se précipita pour essayer d’ouvrir la porte au bout du couloir. Elle était verrouillée.
« Nos choix sont limités, on dirait, commenta le sénéchal.
— Venez », ordonna Geoffrey.
Ils traversèrent le dortoir au pas de course ; c’était une vaste pièce ovale où les lits superposés s’alignaient parallèlement les uns aux autres, comme dans une caserne, sous une rangée de meurtrières.
Un cri résonna dans le couloir. D’autres voix s’élevèrent. Pleines de colère. Un groupe d’hommes se dirigeait vers eux.
« Il n’y a pas d’autre issue », constata le sénéchal.
Ils se trouvaient au beau milieu de la pièce. Derrière eux, l’entrée du dortoir qui ne tarderait pas à être envahi par leurs ennemis. Droit devant, deux sanitaires.
« La salle de bains, vite. Espérons qu’ils passeront leur chemin.
— Entrons, s’écria Geoffrey.
— Non, séparons-nous. Entre, cache-toi dans les toilettes et accroupis-toi sur le siège. Je me cacherai dans l’autre sanitaire. En ne faisant aucun bruit, nous aurons peut-être de la chance. Et puis – le sénéchal hésita, la réalité ne lui plaisait guère – nous n’avons pas d’autre alternative. »
De Rochefort examina la blessure. L’épaule du templier saignait ; il souffrait atrocement mais faisait preuve d’un sang-froid admirable et luttait de toutes ses forces pour ne pas s’évanouir. Il avait posté un homme armé dans le réfectoire en pensant que le sénéchal finirait peut-être par s’y rendre. Il avait vu juste. Mais il avait sous-estimé la détermination de son adversaire. Les Templiers prenaient l’engagement de ne jamais blesser un autre membre de la confrérie. Il croyait le sénéchal assez idéaliste pour s’y conformer. Pourtant, il venait d’envoyer deux hommes à l’infirmerie. De Rochefort espérait qu’aucun d’eux n’aurait besoin d’aller à l’hôpital de Perpignan ou de Mont-Louis. Cela pourrait conduire à des questions. Le médecin de l’abbaye était diplômé en chirurgie et disposait d’un bloc opératoire bien équipé, utilisé à de multiples
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