L'Héritage des Templiers

dérangé. Il empoigna Claridon et le souleva du sol. Stéphanie fit mine d’approcher mais, d’un regard, Malone l’en dissuada.
    « Le maître est mécontent, siffla Malone. Extrêmement mécontent.
    — Quelle est la cause de son déplaisir ? » Le rouge de la honte monta aux joues de Claridon.
    « C’est vous.
    — Je n’ai rien fait.
    — Vous refusez de répondre à mes questions.
    — Que désirez-vous savoir ?
    — Parlez-moi de la quête de frère Nelle.
    — Je ne sais rien, fit Claridon en secouant la tête. Il ne s’est jamais confié à moi. »
    La peur s’insinuait dans le regard du vieil homme, accentué par une extrême perplexité. Malone relâcha son emprise. Claridon se réfugia contre la baie vitrée et s’empara d’un rouleau de papier absorbant et d’un spray dont il vaporisa le contenu sur les vitres qu’il se mit à nettoyer malgré leur propreté impeccable.
    « Nous perdons notre temps avec lui, Stéphanie, constata Malone.
    — Vous croyiez vraiment qu’il pouvait en être autrement ?
    — Il fallait que je tente le coup. » Malone se rappela le message envoyé à Ernst Scoville et décida de faire une dernière tentative. Il tira le bout de papier de sa poche et s’approcha du vieil homme. Derrière la baie vitrée, à quelques kilomètres à l’ouest, se dressaient les murs d’enceinte gris pâle de Villeneuve-lès-Avignon.
    « C’est là que résident les cardinaux, commenta Claridon sans cesser de frotter. Princes insolents, tous autant qu’ils sont. »
    Malone savait que les cardinaux avaient autrefois afflué sur les collines dominant la citadelle d’Avignon où ils avaient fait ériger des livrées, lieux de villégiature leur permettant d’échapper à la ville surpeuplée et à la surveillance constante du pape. Ces signes extérieurs de richesse avaient tous disparu mais l’antique cité demeurait, elle, toujours calme, rustique et décrépite.
    « Nous sommes les protecteurs des cardinaux, expliqua Malone, jouant toujours le jeu.
    — Maudits soient-ils, rétorqua le vieil homme en crachant par terre.
    — Lisez ces lignes. »
    Claridon s’empara du message qu’il déchiffra rapidement. La surprise remplit ses grands yeux. « Je n’ai rien volé à l’ordre. Je le jure. Il s’agit d’une accusation mensongère. Je suis prêt à le jurer devant Dieu. Je n’ai rien dérobé. »
    L’homme ne voyait sur la page que ce qu’il voulait bien y voir. Malone reprit le bout de papier.
    « Nous perdons notre temps, Cotton, dit Stéphanie.
    — Qui est cette mégère ? lança Claridon en s’approchant de Malone. Que fait-elle ici ?
    — C’est la veuve de frère Nelle, fit Malone en réprimant un sourire.
    — J’ignorais qu’il était marié. »
    Malone se souvint de détails lus dans l’ouvrage au sujet des Templiers deux soirs plus tôt. « Comme vous le savez, de nombreux frères étaient mariés autrefois. Mais c’était une épouse infidèle : leur union a été annulée et elle a été forcée de se retirer au couvent.
    — Elle a l’air revêche, renchérit Claridon en secouant la tête. Que fait-elle ici ?
    — Elle cherche la vérité au sujet de son époux.
    — Vous êtes mauvaise ! s’écria Claridon en désignant Stéphanie de l’un de ses doigts boudinés. C’est à cause de vos péchés que frère Nelle est venu faire pénitence au sein de notre confrérie. Honte à vous.
    — Je ne cherche qu’à me faire pardonner, répondit Stéphanie en baissant la tête.
    — Je vous accorde mon pardon, ma sœur, dit Claridon qui s’était radouci devant tant d’humilité. Allez en paix. »
    Malone et Stéphanie se dirigèrent vers la sortie. Le vieil homme retrouva son siège.
    « C’est triste, remarqua Stéphanie, et effrayant. C’est terrifiant de perdre l’esprit. La sénilité angoissait beaucoup Lars, il en parlait souvent.
    — Il n’est pas le seul. » Malone tenait toujours le message découvert chez Ernst Scoville. Il relut les trois dernières phrases à haute voix :
     
    En Avignon, trouvez Claridon. Il saura vous guider. Mais prenez garde à l’Ingénieur .
     
    « Comment l’expéditeur pouvait-il croire que Claridon serait capable de nous guider ? Nous n’avons aucun indice. Nous sommes dans l’impasse, je le crains.
    — Pas si vite. »
    À l’autre bout du solarium, quelqu’un avait parlé.
    Malone se retourna et vit Claridon debout. Les traits du vieil homme ne