L'histoire secrète des dalaï-lamas
qu’un message d’un président américain parvient directement au souverain du Tibet.
La cérémonie des khatas et des offrandes au dalaï-lama a été soigneusement préparée avec les émissaires tibétains. Elle sera suivie par la remise de la lettre par le capitaine de l'US Air Force Brooke Dolan, puis la remise des cadeaux : une montre gousset en or de la part de Roosevelt ; un modèle réduit de bateau en argent et deux oiseaux de la part de l’officier américain. Des cadeaux similaires sont offerts au régent ; ceux destinés au père du dalaï-lama lui seront transmis plus tard.
Une certaine frénésie règne dans la pièce. Après la cérémonie du thé, un lama annonce d’une voix tonitruante que l’audience dans la salle du Trône est finie. Mais la visite au dalaï-lama ne s’achève pas pour autant.
Un lama les conduit dans l’antichambre des appartements du dalaï-lama. Un certain temps se passe, avant que les deux Américains ne soient introduits dans la chambre privée de Tenzin Gyatso. Il est assis sur un divan, petit et bas. Près de lui se tient Tagdra Rinpoché. Sur une table devant eux sont posés des objets rituels : comme tout pratiquant du bouddhisme tibétain, le dalaï-lama possède un mala, sorte de rosaire qui sert à compter les mantras, un dordjé, le sceptre adamantin représentant l’indestructibilité des enseignements du Vajrayana et la compassion, ainsi qu’un gantha, la cloche incarnant la connaissance ou la vacuité.
Tolstoï et Dolan sont assis sur des chaises devant eux. Un interprète les accompagne pour une demi-heure de conversation informelle. Cependant, il sera longuement question de cette route que les Américains proposent de financer, aux côtés des nationalistes chinois, laquelle relierait l’Inde à Chongqing, via Lhassa, par l’ancienne route de la soie. Une fois de plus, Tagdra Rinpoché, incapable de surmonter ses réticences, ne se montre pas à son avantage, préférant l’isolationnisme pour le Tibet à une quelconque ouverture sur le monde.
Par la suite, les réceptions vont se succéder : chez les Yapshis, à Tchang-Seb-Char, l’immense demeure d’une soixantaine de pièces des parents du dalaï-lama ; chez les notables de la ville ; chez le Dr Tung, qui dirige l’école chinoise de Lhassa. Les deux Américains rendent visite aussi au Nechung, l’oracle d’État qui possède son propre monastère, puis ils iront à Sera et à Drepung.
Au mois de février, Dolan et Tolstoï participent aux cérémonies du nouvel an tibétain. À l’issue des célébrations, le gouvernement leur accorde enfin l’autorisation de poursuivre leur voyage en direction de la Chine et leur délivre un nouveau laissez-passer aux sceaux du dalaï-lama. L’expédition se prépare dans le plus grand secret. Reginald Fox, l’opérateur radio de la mission britannique, leur donne un des émetteurs-radio qu’il vient de recevoir des États-Unis. À la date fixée par l’oracle de Nechung, Brooke Dolan et Ilya Tolstoï quittent Lhassa.
Nous sommes à la mi-mars 1943... Le 23, près de Phongdo, ils franchissent la Khyi-chu sur un pont suspendu rudimentaire ; yacks, mulets et chevaux la traversent à gué. Le lendemain, les deux Américains quittent la caravane pour rendre une visite de courtoisie à Reting, l’ancien régent, avec qui ils avaient déjà échangé, par messagers, des salutations et des cadeaux.
Le 25 juin 1943, les voici à Xining, la capitale du Qinghai. Moins de deux ans plus tard, en 1945, Dolan sera tué au combat. Rentré à New-York, Tolstoï entretiendra une correspondance suivie avec le quatorzième dalaï-lama. Mais avant cela, l’OSS lui confia une mission classée top secret : trouver de l’uranium en Chine [401] .
Vers un coup d’État .
Une autre affaire éclate quelques années plus tard. Cette fois, le scandale touche directement le quatorzième dalaï-lama. Nous sommes en 1948 à Lhassa. La rumeur court depuis plusieurs mois que des hauts dignitaires religieux et la noblesse dissidente complotent le renversement du jeune souverain. Son père, décédé un an plus tôt des suites d’une intoxication alimentaire, aurait finalement été empoisonné et ses assassins auraient utilisé une herbe connue sous le nom d' éléphant fou [402] . Les comploteurs, à la tête desquels se trouverait le nouveau régent Tagdra Rinpoché, veulent également s’en prendre aux femmes du clan : la mère du dalaï-lama,
Weitere Kostenlose Bücher