L'histoire secrète des dalaï-lamas
résistance au Tibet, deux décennies durant lesquelles le dalaï-lama ne jouera qu’un rôle minime.
En septembre 1949, l’Armée populaire de libération (APL) franchit la frontière à Ya’nan par le pont de Luding, s’empare de Dartsédo, l’ancienne capitale des Marches tibétaines connue autrefois sous le nom de Tatsienlou. Puis, poursuivant sa progression à l’intérieur du territoire tibétain, elle occupe rapidement l’Amdo et une partie du Kham, c’est-à-dire l’actuel Qinghai, et capture le dixième panchen-lama. Agé de onze ans à la proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949, Choekyi Gyaltsen, intronisé seulement depuis le 10 août, devient, pour Mao et le Parti communiste chinois (PCC), un redoutable outil de pression sur les autorités tibétaines de Lhassa et sur le monastère des panchen-lamas de Tashilhunpo. Or, comme ses prédécesseurs, empereurs et nationalistes du Guomindang, le premier président de la République populaire de Chine ne tarde pas à affirmer la souveraineté chinoise sur le Tibet.
Lin Biao [406] est chargé d’élaborer un plan. Le Premier ministre Zhou Enlai lancera lui-même l’opération, le 30 septembre 1950, mais c’est à Deng Xiaoping [407] , surnommé alors l' Empereur du Sud-Ouest , que le président Mao Zedong va donner l’ordre de « libérer » le Tibet.
Dans l’Amdo et le Kham, la situation se dégrade rapidement. Toutes sortes de rumeurs parviennent à Kumbum, où se trouve toujours le dixième panchen-lama et Thubten Jigmé Norbu, frère aîné du dalaï-lama et autorité abbatiale du monastère, et des témoignages inquiétants. Il se dit que quarante mille soldats de l’APL ont déjà franchi le Yang-Tse-Kiang et on s’alarme de la situation des populations tibétaines : à Takster, le village natal du dalaï-lama, le petit monastère de Tashi Khyil a totalement été détruit et les Amdowas, qui ont voulu résister, ont soit été tués soit été transférés dans le laogaï, le goulag chinois, de Xining, la capitale du Qinghai, avec les jeunes gens, moines et laïcs, en âge de se battre. On raconte aussi que l’APL recrute les Tibétains de force pour la construction des routes, en même temps qu’elle achète la collaboration de tulkus, lamas et nobles ayant autorité dans la région. On assiste un peu partout à de terribles thamzings, ces séances d’autocritique publique, où la personne, humiliée, bafouée, en arrive souvent à souhaiter, voire à réclamer une mort rapide. Les Chinois choisissent alors le plus jeune fils de la famille pour tuer son propre père, sa mère, etc.
Thubten Jigmé Norbu, le frère ainé du dalaï-lama, décide de se rendre dans la capitale du Qinghai pour y rencontrer le gouverneur communiste de la région. L’homme lui promet d’ouvrir une enquête. En contrepartie, il le flanque de deux agents du tewu qui seront chargés de veiller sur sa sécurité. En réalité, ils sont là pour mieux déstabiliser le frère du dalaï-lama et le pousser à épouser l’idéologie maoïste.
Un mois se passe, quand, une nouvelle fois convoqué à Xining, les autorités chinoises suggèrent que l’aîné des Yapshis devienne un héros de la Mère-Patrie. L’affaire est simple : il lui faut se rendre au plus vite à Lhassa afin de persuader son jeune frère, le quatorzième dalaï-lama, d’ouvrir pacifiquement les portes de la ville aux troupes de l’APL. En cas de refus, Thubten Jigmé Norbu devrait éliminer, lui-même, Tenzin Gyatso. Pour cette mission, les Chinois lui donnent même trois chevaux, un pistolet, trois fusils et une vingtaine de chargeurs [408] .
Sur le chemin de Lhassa, Thubten Jigmé Norbu, qui, dans le plus grand secret, a abandonné son autorité abbatiale sur le monastère de Kumbum, arrive à Chamdo, la capitale du Kham, le 19 octobre 1950, alors que la ville vient de tomber aux mains des Rouges.
Une dizaine de jours plus tard, l’aîné des Yapshis se présente au Potala et demande à rencontrer les autorités et son jeune frère le dalaï-lama toutes affaires cessantes. Il lui fait alors le récit de ses infortunes, du sinistre marché que les autorités chinoises lui ont proposé et qu’il a accepté uniquement pour fuir, des événements qui secouent l’est du pays, de l’attitude inconcevable des khenpos qui ont livré le panchen-lama aux communistes, puis il raconte par le détail ce qu’attendent les Chinois de lui. Décision est prise
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