L'histoire secrète des dalaï-lamas
ans plus tard, l’oracle a fait un nouveau rêve. C’était à la fin du mois de décembre 1994. Ce rêve montrait le panchen-lama vêtu de ses robes monacales dorées. Il faisait toujours le tour d’un stupa, mais il souriait et ses forces lui étaient revenues. Enfin, il portait le bonnet jaune de l’école gelugpa. Signes de vie ! Signes de renaissance ! Traduction : le panchen-lama est revenu.
Le Nechung a lui aussi fait plusieurs rêves concernant le panchen-lama. Une nuit, un garçonnet lui est apparu, auprès duquel se tenait le dalaï-lama. Il est vrai que ce dernier, souverain en exil, est alors entré en retraite, tant ce n’est que par la méditation que l’on peut confirmer ou infirmer une réincarnation.
L’oracle d’État raconte encore que, au matin du douzième jour de cette retraite, le dixième panchen-lama s’est manifesté au cours d’un autre rêve. Le souverain tibétain était sur le point de consacrer une immense statue du Bouddha. À ses pieds se trouvaient alignées plusieurs rangées de bols d’offrandes emplis d’eau parfumée. Selon la coutume bouddhiste, le dalaï-lama lançait en l’air des grains de riz pour consacrer la sculpture, imité par tous les dignitaires présents dans le temple, mais ces grains se répandaient en pluie de fleurs sur le Bouddha. Derrière cette statue, il y avait des représentations des divinités du bouddhisme tibétain et des lampes à beurre qui scintillaient d’une lumière étrange. Or, une de ces lampes, dont la flamme s’était soudainement éteinte, continuait à émettre une lumière intense... Un visage s’y dessina, celui d’un enfant de six ans. Ainsi, le dixième panchen-lama s’était enfin réincarné. Restait à trouver l’enfant.
À Dharamsala, ordre fut donné de se réunir dans le temple de Namgyal, monastère du dalaï-lama situé à deux pas de sa résidence privée, ainsi qu’à plusieurs dignitaires de confiance d’effectuer un certain nombre de rituels dans leurs monastères et plusieurs lieux de pèlerinage de l’Inde. La veille, l’oracle de Nechung a connu une transe et a parlé au dalaï-lama, des mots que seul le souverain pouvait comprendre. À Dharamsala, dans son temple, le dalaï-lama prend, lui, de la tsampa qu’il roule soigneusement entre ses paumes. Deux possibilités s’offrent au souverain tibétain, transcrites sur de petits morceaux de papier : sur l’un, Guendun Choekyi Nyima est le panchen-lama ; sur l’autre, il ne l’est pas.
Jusqu’ici les divinations et les rituels effectués par les dignitaires gelugpas en Inde et au Tibet ont tous confirmé ce que les Tibétains attendaient depuis six ans déjà, la réincarnation du dixième panchen-lama.
L’oracle a eu d’autres songes : chaque fois est apparue une femme portant une coiffe triangulaire ; divinité du panchen-lama, elle ouvrait un rideau pour accueillir l’enfant réincarné lors de son intronisation.
Et le dalaï-lama ? Le Nechung est en transe. Le dalaï-lama s’empare d’un bol, y dépose les trois boules de tsampa et commence le tirage au sort selon la méthode tibétaine. Celui-ci donne la même réponse : Guendun Choekyi Nyima est le onzième panchen-lama. C’est maintenant une certitude.
Le 14 mai 1995, Tenzin Gyatso déclare donc officiellement avoir découvert le onzième panchen-lama : né le 24 avril 1989 à Lhari, dans le district de Nagchu, il est le fils de Kunchok Phuntsok et de Dechen Choedon. Guendun a donc six ans.
Mais le 21 août 1995, Pékin annonce que, pour des raisons de sécurité, Guendun Choekyi Nyima et sa famille ont été placés en un lieu sûr. En d’autres termes, ils ont été enlevés. Comble d’ironie, alors que les autorités chinoises annonçaient la nouvelle de son arrestation, une répétition générale de la cérémonie mandchoue de l’urne d’or, filmée par une équipe de télévision, avait lieu dans le temple du Jokhang, à Lhassa. Le panchen-lama désigné par le dalaï-lama a donc disparu depuis le 17 mai 1995. Et, à l’heure où l’auteur écrit, personne ne l’a jamais revu : il aurait vingt ans aujourd’hui, vivrait en résidence surveillée dans le Sichuan et, malgré les promesses faites à des parlementaires, ne s’est jamais exprimé !
Le 5 novembre 1995, rebondissement : trois cents moines sont sommés d’assister à une conférence à Pékin sous peine de sanctions. Une semaine plus tard, les autorités chinoises annoncent que les
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